Le tour du Vercors de 2012 laisse en 2013 sa place à... l'Ardèche ! Un parcours exigeant et non moins fabuleux, qui nous aura réservé des surprises !
Un brevet de 300 kilomètres ne se gère pas comme un brevet de 200 kilomètres. On part de nuit, et il faut se préparer à rentrer éventuellement de nuit. Si je peux me permettre de petites folies sur un 200, aujourd'hui j'ai décidé de mettre l'accent sur la régularité. Pas question d'essayer de suivre à tout prix les grimpeurs dans les montées. Pas question non plus de faire de longues pauses, après lesquelles il est difficile de repartir. Pas question de prendre cette année de gros relais comme l'an dernier, des efforts que j'avais sans doute payés au retour après Chabeuil.
Cette stratégie, pour ce qui était mon troisième 300 (sans compter le 400 de l'an dernier), a porté ses fruits. Le revers de la médaille est que j'ai souvent roulé seul ou en trop petit groupe, à la différence du 200 il y a deux semaines.
Côté parcours, Jean-Philippe nous a concocté cette année une balade intitulée les vallons du Vivarais, consistant d'abord à rallier Roybon par le même itinéraire que lors du 200, puis à redescendre la vallée de la Galaure jusqu'à Saint-Vallier où nous traversons le Rhône pour passer en Ardèche. S'ensuit la longue montée jusqu'à Lalouvesc, à ce stade l'essentiel du dénivelé est fait mais il reste à gravir le col de Montreynaud depuis Lamastre. Nous redescendons sur Saint-Georges-les-Bains avant de retraverser le Rhône sur le barrage de Charmes-sur-Rhône. Nous rallions rapidement Chabeuil, où nous retrouvons le même final que l'an dernier.
Ce parcours dépasse significativement les 3000 mètres de dénivelé positif: un profil comme je les aime, mais qui est exigeant à cette époque de l'année.
Car côté météo, nous n'avons pas été gâtés... Autant le dire tout de suite, ce que je déteste le plus c'est la pluie, qui mouille tout, qui salit tout, qui refroidit tout. Et de la pluie, nous n'en avons pas eu. Mais nous avons eu du froid et du vent. Pas n'importe quel froid ni n'importe quel vent. A vélo, on se réchauffe en pédalant, mais quand le thermomètre descend jusqu'à -8,4 degrés, comme dirait Brigitte, YATOUKIGEL, les pieds, les mains, même mes bidons qui ne contiennent pourtant pas de l'eau pure. Le vent, nous en avons eu dès notre entrée en Ardèche, un vent du Sud par rafales, qui a rendu difficiles certaines montées, qui a rendu dangereuses les descentes et les passages sur les ponts (au-dessus du Rhône à Charmes, puis au-dessus de l'autoroute A7). Ce même vent nous a aidés au retour, et n'a pas été aussi violent que ce que je redoutais à l'approche de Grenoble, quand on sait ce que le foehn peut faire comme dégâts ici.
Le départ, au terminus du tram B, une organisation irréprochable:
Le départ est prévu pour 4h place de Sfax à Grenoble. Je rallie Grenoble par le centre, un trajet de 8 km que je n'apprécie pas trop à cette heure. Il fait froid, -2 degrés, mais ce n'est rien par rapport à ce qui nous attend. Je retrouve Jean-Philippe, l'organisateur. Il est 3h45 et il n'y a pas encore grand monde: les cyclistes attendent le dernier moment pour arriver, pour ne pas trop se refroidir. Puis arrivent Yann, Baptiste, Franco, Robert, Valex...
Nous nous élançons à 4h17, un peloton d'une bonne trentaine (?) de participants qui resteront groupés jusqu'au bout de la voie verte à Saint-Gervais. On roule tranquillement en papotant, tandis que la température descend, descend encore. A cette heure, nous ne croisons personne, les seuls obstacles sont quelques branches cassées par le vent du Nord de ces derniers jours.
A la sortie de la voie verte, presque tout le monde s'arrête. Je vois Yann qui file, je pars derrière. Je n'aurais pas pu m'arrêter, j'ai trop froid, la pause technique s'effectuera dans la montée après Varacieux. Je vois quelques lumières derrière moi. Rapidement, un cycliste me rattrape. Il me connaît grâce au blog, je fais sa connaissance, il s'appelle Olivier. Il fait du trail, c'est un costaud, et ce sont ses premiers BRM. 200 mètres devant, on s'aperçoit que Yann enjambe l'autoroute au lieu de tourner à gauche. On l'appelle, rien n'y fait. Dès la sortie de Vinay, ça grimpe et je n'essaye même pas de suivre le rythme d'Olivier. Je ne le reverrai plus de la journée. Je me retrouve seul, comme dans de nombreuses montées aujourd'hui. Je pensais que Yann, ayant fait un détour, se trouvait derrière. Mais avec Olivier nous avions été ralentis par un feu dans Vinay. Au fil des kilomètres, je me fais à l'idée que Yann est devant, sinon il m'aurait rattrapé.
Je ne reste pas seul longtemps. Pascal me rejoint avec aisance. Puis Thomas, accompagné à ce moment-là d'un cycliste qui fait des brevets depuis 1975, et qui roule aujourd'hui sur un vieux vélo avec un seul plateau et, je crois, cinq ou six pignons à l'arrière...
A l'occasion d'une pause technique, je retrouve Rémy, qui me signale qu'il n'est pas dans un grand jour. Nous terminons la montée ensemble, nous rattraperons Pascal dans la descente. J'aurai beaucoup fait le yo-yo avec Pascal aujourd'hui, pour finalement terminer ensemble.
Le premier contrôle est à Hauterives, au kilomètre 77. A notre arrivée, plusieurs participants sont déjà réfugiés bien au chaud dans la boulangerie, dont Yann. Ma pause ne durera que 10 minutes, insuffisant pour me réchauffer. On ne roule pas vraiment en groupe. Il y a Thomas, Rémy, Pascal, et moi derrière. Finalement on se retrouve à deux avec Pascal, au moment où nous croisons Brigitte venue à notre rencontre. Nous échangeons quelques mots, j'indique à Brigitte que je n'ai pas vu Franco, Robert ni Baptiste à Hauterives, puis nous repartons chacun de notre côté, nous sommes congelés. Merci Brigitte d'être venue nous encourager !
Saint-Vallier est atteint peu après. Nous avons alors parcouru un tiers de la distance et surtout, les conditions les plus difficiles sont derrière nous. La montée va nous réchauffer.
La route s'élève à la sortie de Sarras. Je laisse filer Pascal et Thomas (qui s'était arrêté brièvement à Saint-Vallier). Rémy a mis le clignotant. J'effectue le reste de la montée jusqu'à Lalouvesc seul, près de deux heures. Un seul cycliste me dépasse dans la montée: Pascal, qui s'était arrêté à Satilleu pour prendre de l'eau. Je suis surpris de ne voir revenir personne dans la montée, car je monte tranquillement, à mon rythme, rien ne sert de courir... d'autant plus que je me méfie de la réaction de mon corps après cette matinée glaciale, où je n'ai pas pu boire (bidons gelés !) ni m'alimenter correctement. Je prends donc mon temps, je mange, je bois (les bidons dégèlent petit à petit), je me réchauffe, je quitte mes gants longs. Je me sens bien, sur un petit rythme mais je me sens bien.
Le calme de l'Ardèche...
Dans la montée vers Lalouvesc:
Tiens, un cycliste arrive. Combien de fois Pascal m'aura-t-il doublé aujourd'hui ?!
L'arrivée à Lalouvesc...:
... et en repartant:
Il reste encore de la neige ici !
A Lalouvesc, c'est avec surprise que je retrouve Yann, sur le point de repartir. Mais aussi Thomas, Pascal, à qui je conseille aussi de repartir sans m'attendre. Pas de gazouillis à Lalouvesc: pas de réseau, rien. J'envoie un SMS à Brigitte pour m'enquérir des nouvelles de son groupe (Baptiste, Franco, Robert), sans savoir vraiment quand le SMS lui parviendra. J'apprendrai plus tard que l'Ardèche s'est bien passée pour eux. 10 nouvelles minutes de pause, auxquelles j'ajouterai quelques minutes pour prendre des photos puis prendre de l'eau un peu plus loin.
Ces pauses font que je ne reverrai pas Pascal, ni personne d'autre d'ailleurs, jusqu'à Lamastre. Le vent souffle fort, si bien que je suis essentiellement concentré sur ma conduite.
A Lamastre, malgré le GPS je perds du temps à me repérer, et trouve finalement la direction de Vernoux via le col de Montreynaud. Pascal me dépasse rapidement. Le vent souffle fort et me ralentit même dans la montée ! L'arrivée au col est franchement dangereuse avec de fortes rafales.
Juste avant Vernoux (point de contrôle, km 173), je fais ma pause la plus longue de la journée: 15 minutes. Il est 12h30: l'heure de manger. J'en ai marre de ce vent. C'est avec plaisir que je vois rapidement arriver Rémy, qui a finalement parcouru l'Ardèche au même rythme que moi. Nous resterons ensemble jusqu'au bout. Lui aussi est surpris de n'avoir vu revenir personne de l'arrière.
Nous décidons, d'abord implicitement, ensuite d'un commun accord, de faire le moins de pauses possible. Ainsi, les 139 km restants seront parcourus en 5h45 dont 20 minutes de pause, ces 20 minutes comportant 10 minutes de pause forcée pour cause de crevaison. Les contrôles restants (Vernoux, Saint-Nazaire-en-Royans km 251) s'effectueront en répondant aux questions posées sur la carte de route.
La pause avant Vernoux, que l'on aperçoit au fond:
Plus loin, vers le col de la Justice:
Malgré les pauses successives entre Lamastre et Vernoux, nous retrouvons Pascal à Etoile-sur-Rhône. Il s'échappera de nouveau avant Chabeuil, à l'occasion d'une mini-pause. L'itinéraire touristique rejoignant Saint-Nazaire est le terrain des dernières montées du jour... des montées qui se passent pour ma part beaucoup mieux que l'an dernier. Il est vrai que l'an dernier, il faisait plus chaud et nous avions un vent de face. Cette année, le vent de dos nous aide bien, je n'ai pas l'impression que c'est difficile.
Nous avons Pascal en ligne de mire dans la descente. Nous le verrons arrêté à Saint-Nazaire, point de contrôle, mais comme convenu avec Rémy nous ne nous arrêtons pas, ayant préalablement mémorisé la question de contrôle. Nous écrirons la réponse à l'arrivée. Nous grimpons la courte remontée de Saint-Nazaire à allure modeste pour attendre Pascal, mais on ne voit rien venir.
Contreforts du Vercors, au fond le relais de Musan:
C'est fini pour les montées ! Le ciel s'est couvert.
Par la suite, j'ai l'occasion de prendre une (bonne ?) partie des relais, certes pas très appuyés, mais je suis encore bien en forme et c'est l'occasion de rendre à Rémy une (toute petite) partie des relais qu'il nous avait offerts sur le 300 de 2012... Au final, la longue ligne droite entre Saint-Just-de-Claix et Saint-Romans n'est pas si interminable que cela aujourd'hui.
Avant Izeron, la gendarmerie procède à des contrôles de vitesse aux jumelles. Avec Rémy, on se demande si l'on respecte bien la limitation... lorsqu'en passant au niveau du gendarme, celui-ci nous annonce: "21 ! Vous roulez à 21 !". Tout va bien, on ne perdra pas de point aujourd'hui.
A l'approche de Cognin, deux participants sont arrêtés au bord de la route: Yann et Hervé. Yann annonce qu'il est cuit. D'abord, je ne le crois pas, mais il faut se rendre à l'évidence. Nous allons rentrer tranquillement tous les cinq (Pascal nous a rejoints à l'occasion de cet arrêt). Seule une crevaison sur la voie verte viendra nous contrarier. Le jour faiblit, les jambes non. Il est exactement 18h24 (heure GPS) lorsque nous arrivons devant la boîte aux lettres qui matérialise l'arrivée du brevet. Thomas vient de terminer de ranger ses affaires dans sa voiture, et il n'y a personne d'autre.
J'aurai parcouru les 307 km du brevet en 14 h 7 min dont 1 h de pause, soit 21,7 km/h de moyenne globale et 23,4 km/h de moyenne sur le vélo. Moins fiables sont les données d'altimétrie, le compteur indique cependant 3450 mètres de dénivelé (Openrunner 3050 m), soit 1000 m de plus que l'an dernier.
Ce brevet fut sensiblement plus difficile que son prédécesseur de 2012, pourtant je l'ai mieux terminé. Jamais les jambes n'ont été lourdes, jamais je n'ai douté, jamais je n'ai eu faim. J'ai roulé régulièrement, et lentement, comme je l'avais prévu. Les 34 kilomètres de voie verte, pour rentrer, m'ont paru moins longs que beaucoup d'autres fois... Je n'avais pas imaginé rentrer de nuit, et heureusement cela ne s'est pas produit, mais ce n'est pas passé loin... car avec la nuit la vigilance faiblit, surtout quand on s'est levé à 2 heures du matin après une courte nuit.
Je ne parle pas des conséquences du froid et du vent sur mon organisme, car il n'y en a pas (sauf une légère perte de sensibilité au bout des doigts), et c'est tant mieux. C'est une folie, mais j'étais en cuissard court aujourd'hui ! Je ne suis pas vraiment équipé pour de telles températures, et mon cuissard long ne me convient pas pour une telle distance.
C'est avec une grande joie que j'apprendrai, en soirée, l'arrivée du groupe Baptiste-Franco-Robert. Bravo à tous les trois ! Pour Baptiste et Robert, c'est la première fois qu'ils parcouraient une telle distance, il a dû y avoir de l'émotion à l'arrivée, surtout après autant d'efforts.
Merci à l'agréable compagnie de tous ceux qui ont fait un bout de route avec moi aujourd'hui, sur des portions plus ou moins longues: Rémy, Pascal, Yann, Hervé, Thomas...
Merci à Jean-Philippe pour ce parcours qui a répondu parfaitement à mes attentes, et pour ton organisation qui se perfectionne encore d'année en année. Je reviendrai cette année, probablement pour le 400, certainement pour le 300 montagneux, peut-être pour le 600.
Cette journée a aussi été l'occasion d'agrandir ma collection de cols. Nous avons franchi successivement:
- le col du Faux,
- le col du Buisson,
- le Tracol,
- le col de Montreynaud,
- le col de la Justice (déjà franchi),
- le col de la Croix St André,
- et le col de Rotisson (déjà franchi).
Et pour finir, voici la trace GPS de ma randonnée.
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