En ce dimanche, je participe à ma première épreuve cycliste chronométrée: la grimpée du Benas, en Ardèche.
Après avoir manqué l'édition 2012, pour cause de chaleur et de manque de motivation pour aller acheter un certificat médical, je l'avais regretté et ne pouvais manquer à nouveau l'édition 2013.
De la compétition sportive sur ce blog ?! Pourquoi ? Comment ?
Chère lectrice ou cher lecteur, non, la tonalité de ce blog ne changera pas. Je suis un cyclotouriste et je le resterai. D'ailleurs, à l'occasion de cette grimpée, j'ai fièrement porté mon maillot du club des Cent Cols. J'ai hésité à venir avec mon Giant alu de 10 kilos sur lequel j'aurais même remonté mes pédales à sangles, mais ça aurait été considéré comme de la provocation.
La compétition, j'en fais toute l'année avec moi-même. Les montées, c'est plutôt mon truc, et j'ai la chance d'avoir un bon gabarit pour cela. Dans la compétition, sportive ou non, la seule place qui compte est la première. A bientôt 34 ans, il est un peu tard pour m'y mettre. De plus, la compétition sportive a ceci de particulier que ce ne sont pas toujours uniquement les qualités physiques, mentales, et l'entraînement, qui permettent d'atteindre les premières places. Enfin, je n'apprécie pas la foule en général, et celle des cyclosportives en particulier. Je me contente donc de faire de la compétition par rapport à moi-même, ainsi j'ai toutes les chances de sortir vainqueur.
Le contre-la-montre est donc un exercice qui peut me convenir. Seul face au chronomètre, j'évite ainsi la foule d'un départ groupé. Seul, je ne le suis d'ailleurs pas complètement, car avec des départs toutes les minutes, sur une montée de 30 minutes on a le temps de dépasser et de se faire dépasser.
Je n'ai pas choisi le col du Benas par hasard. J'ai passé l'essentiel de mon enfance, puis de mon adolescence, à Privas. Le col du Benas est le premier col que j'ai franchi à vélo, je pense que c'était il y a 20 ans, puisque je me souviens très bien que j'ai eu mon premier vélo double-plateau pendant l'été 1993, que je roulais déjà dans ce secteur, mais je ne suis pas totalement sûr d'être déjà monté jusqu'au sommet cette année-là. J'ai ensuite enchaîné des dizaines de montées pendant les vacances d'été 1996-2000, notamment avec mon meilleur ami d'enfance qui habitait au pied de la montée. Chaque été, pour les premières montées, il me fallait une pause à mi-montée, voire deux pauses (la première au niveau de l'épingle à droite qui suit celle du Verdus, la deuxième à la source). Je grimpais alors en 42x23, ce qui était mon plus petit développement. Il me fallait environ 55 minutes pour monter en début d'été, au mieux j'ai dû me rapprocher de 45 minutes en fin d'été. C'était difficile mais j'aimais déjà ce type d'effort.
Puis les années ont passé. J'ai grimpé le col du Benas quelques fois en 2003, 2004, 2005, 2006, puis plus rien jusqu'en 2012. En 2012, le vieux paysan qui vivait avec quelques chèvres au niveau de la dernière épingle à gauche, avait disparu, sa maison transformée en ruines. C'était l'un des rares signes de vie humaine dans cette montée sauvage.
En juillet 2012, j'ai ramené le Giant pour gravir le col dans les conditions de la grimpée d'août: 31:15. Je m'étais préalablement entraîné pour ce genre d'exercice de 30 minutes à bloc, de plus j'avais l'impression d'avoir fourni un gros effort. Avec un peu plus d'entraînement et un vélo plus moderne et plus léger, j'estimais pouvoir me rapprocher des 30 minutes.
Depuis début 2013, j'ai toujours gardé cette grimpée à l'esprit. Comme chaque année, j'ai fait énormément de dénivelé, des enchaînements de montées plus ou moins rapides. Fin juin, après la saison des BRM, j'ai mis la course à pied entre parenthèses pour la remplacer par des grimpées matinales au chrono, avant le travail. Le mois de juillet est arrivé, avec un énorme volume, ce qui n'était pas prévu: 70 heures de vélo, un record absolu sur un mois, surtout pour un mois de juillet plus chaud que la moyenne. Juillet a été extrêmement bénéfique. Je me suis accoutumé à la chaleur, et je me suis montré capable, non seulement de grimper plus vite les montées sur lesquelles j'ai de repères, mais aussi de reproduire de gros efforts sur des sorties de six heures. Fin juillet, je trouvais ma forme impressionnante. J'avais également perdu pratiquement deux kilos, ce qui représente un avantage considérable dans les montées. Ensuite, j'ai repris mes montées au chrono pendant la première quinzaine d'août, pour reprendre mes repères sur ce type d'efforts. La montée de Venon étant en travaux, je me rabats sur la montée des Quatre Seigneurs, un peu plus longue, sensiblement plus difficile. Je n'ai donc pas mes repères chronométriques de Venon, mais je préfère ne pas savoir si je suis plus ou moins en forme que l'an dernier à la même époque: de toute façon l'échéance approche, et tout ce qui compte c'est de faire de mon mieux, de trouver mes repères, d'améliorer ce que je peux améliorer d'ici quinze jours.
Ce 18 août au matin, l'objectif est donc toujours de m'approcher des 30 minutes. 30 à 31 minutes serait très bon, moins de 30 minutes excellent. Il ne faut pas écarter un éventuel stress lié à la compétition et qui pourrait diminuer mes capacités.
Sur le papier, ce col du Benas n'est pas un col de pur grimpeur: 10 km à 4,7% de moyenne, assez régulier, avec quelques passages à 6% mais aussi des portions presque plates. Je ne suis pas avantagé par ce profil de col, et je ne me suis pas entraîné sur ce type de montée. Pour les portions relativement plates, il faut une puissance que je n'ai pas.
La préparation d'une telle épreuve passe aussi par la case... médecin. Alors que je suis (ou du moins que je crois me sentir) en pleine santé, il faut que j'aille consulter un médecin. En effet, le certificat médical de non contre-indication au cyclisme en compétition est obligatoire pour pouvoir s'inscrire. C'est absurde pour plusieurs raisons. D'abord, parce que comme je l'écrivais plus haut, de la compétition, j'en fais toute l'année sans certificat médical. Je participe à des randonnées de plus de 300 km qui sont beaucoup plus difficiles qu'un simple effort d'une demi-heure. Ensuite, l'examen effectué pour délivrer le certificat est beaucoup trop court pour déceler quoi que ce soit. J'ai tout de même eu droit à un électrocardiogramme... au repos seulement ! Aucun test d'effort. Comme la médecine du travail n'a pas voulu, lundi, à l'occasion de ma visite annuelle (annuelle tous les trois ans...), me délivrer le fameux certificat, c'est mercredi soir que je ressors finalement de chez le médecin avec ce document indispensable, et surtout 38 euros de moins dans le porte-monnaie, soit plus de 5 fois le prix d'inscription à la grimpée. Je n'approuve pas ce système. Encore heureux que ce ne soit pas remboursé par la sécurité sociale, dont la vocation n'est pas de sponsoriser mes loisirs.
Le jour J
La voiture est stationnée à un quart-d'heure du départ. Sur mon trajet à vélo, je rattrape un cycliste qui se dirige vers le col. Je lui demande s'il participe à la grimpée, il me répond qu'il ne savait pas que c'était aujourd'hui mais qu'il aurait bien aimé participer.
J'arrive sur place un peu avant 7h30, c'est l'heure du briefing d'avant course entre les organisateurs, qui commencent ensuite à prendre les inscriptions. Je suis deuxième dans la file. Comme je l'imaginais, les coureurs locaux se sont inscrits la veille mais il reste des trous dans le planning: une à deux places tous les dix participants. Je peux donc choisir un départ matinal: 8h47, ce qui me permettra de faire une première montée complète d'échauffement et de reconnaissance.
Sitôt inscrit, j'installe ma plaque qui indique mon heure de départ et je pars tranquillement faire une première montée. J'apprécie immédiatement la fraîcheur du matin et l'absence de vent. Les organisateurs sont déjà à leurs postes respectifs, je prends le temps de les saluer, de faire des photos. Je me sens bien, pas trop tendu. Un des buts de cette première montée est justement de me détendre.
J'accélère le rythme au fil de la montée, comme je l'avais prévu. Aux deux tiers, je suis rattrapé par 08:32, qui part donc un quart-d'heure avant moi. Je le suis sans prendre sa roue. J'apprendrai ensuite que c'était un UFOLEP deuxième catégorie qui finira 18ème au classement scratch. Il indique qu'il redescend, je le dépasse sans diminuer mon rythme. J'arrive aux 500 derniers mètres, que j'avais prévu de faire presque au rythme de course. J'accélère, nez pratiquement dans le guidon. Il n'y a aucun vent, ce qui est assez exceptionnel à cet endroit. Je donne l'impression d'être en course, si bien que l'organisateur positionné à 50 mètres du sommet crie "08:47" au poste de chronométrage, avant de me demander si j'étais à l'échauffement ou... Il m'aurait été difficile d'arriver une demi-heure avant de partir ! Aucun participant n'est d'ailleurs encore parvenu au sommet: il est 8h18 et le premier s'est élancé à 8h pétantes. Je fais tourner les jambes quelques minutes sur le plateau du Coiron avant de m'élancer dans une descente prudente.
Dans la descente, j'encourage les participants, que je croise un à un dans un ordre différent de leur ordre de départ... Comme j'ai des repères dans cette montée, je calcule pour chaque coureur s'il est plutôt rapide ou plutôt lent. Je repère des costauds...
Arrivé en bas, j'ai plutôt froid, et franchement je ne crois pas que ce soit lié au stress. Je redescends alors plus bas que la ligne de départ pour me réchauffer en remontant. Je me déleste du contenu de mon deuxième bidon, qui n'aura finalement pas été utile.
Prêt.
La course
Sur la ligne de départ, à chaque minute son coureur. Je m'insère à ma place dans la file d'attente. Je suis suffisamment décontracté pour prendre une photo à une minute de m'élancer... mais le départ m'inquiète car je ne suis pas sûr de savoir m'élancer en ayant une main sur la barrière, pour me tenir tandis que les pédales sont déjà enclenchées. Une minute avant moi s'élance un minime qui dit monter en 32 minutes. Très bien, je le rattraperai, ça m'occupera l'esprit. Puis arrive mon tour. Je suis effectivement maladroit au départ, je ne pars pas très droit et j'entends derrière moi un plot orange qui tombe ! Au retour, je m'apercevrai qu'ils auront élargi entre temps le couloir de départ. Ouf, je suis parti, mais le temps de retrouver mes esprits je me rends compte que je n'ai pas enclenché mon chronomètre. Il va donc me manquer ce que j'estime à 30 secondes; il y en aura en fait un peu moins.
Je démarre fort. Les jambes n'ont pas trop brûlé lors du départ arrêté, contrairement à mon essai de l'an dernier: c'est déjà ça. Ça grimpe un peu, puis il y a une longue portion presque plate. Le compteur indique entre 20 et 25 km/h, jusqu'à 28 dans la première épingle à gauche. Une épingle à droite et ça grimpe. Je maintiens 20 km/h. Je respire fort mais ça va. J'ai en ligne de mire le minime parti une minute avant moi. Je finis par le dépasser avant 8 minutes de course. C'est bon pour le moral. Tout le long, je double et je me fais aussi doubler un peu. Lorsque je double, je ne sais pas si ce sont des coureurs en course ou à l'échauffement car je ne me retourne pas pour regarder l'heure de départ... mais en regardant les résultats, j'aurai finalement doublé les dossards 08:46, 08:45, 08:42, 08:41, 08:40, 08:37, et 08:33. Bizarrement, je ne me souviens pas bien d'avoir été dépassé par le vainqueur du jour, Claude Coste-Chareyre, parti deux minutes après moi. Je devais être concentré sur le cycliste qui me précédait. En tout, je me serai fait dépasser par 08:49 et 08:50.
Je parviens à mon premier point de repère en 9:45 (je lis alors 9:25 sur mon chrono...), là où j'étais en 10:35 l'an dernier. Je suis parti vraiment vite. J'attaque une nouvelle portion qui grimpe. D'habitude on est contre le vent à cet endroit. Pas aujourd'hui. Je ne faiblis pas, le compteur ne descend pas sous les 18 km/h. L'épingle suivante est atteinte en moins de 13:00 (14:24 l'an dernier). Je me permets le luxe de sourire au photographe (mais je ne trouverai pas la photo correspondante). On me dit que j'en ai fait la moitié. Certes. Mon prochain repère est la source, et je sais que c'est long.
Là, je suis dans ma bulle mais je suis témoin d'un spectacle étrange. Je dépasse une concurrente de petit gabarit, suivie par un bonhomme roue dans roue. A la vitesse à laquelle je double, tout va très vite. Je découvre un petit visage qui pourrait être celui de... tilt ! Les liserés de championne du monde sur les manches du maillot ne laissent aucun doute, c'est bien Jeannie Longo, qui était déjà venue l'an dernier. Le temps de réaliser, je me retourne mais c'est trop tard, je suis déjà loin. Elle était en train de s'échauffer.
Arrive un replat finalement pas si plat (24 km/h pendant 20 s...). J'ai oublié mon temps à la source, mais à cet instant je sais que j'ai une bonne chance d'atteindre mon objectif en passant sous les 30 minutes ! Le GPS indique pour l'instant une moyenne supérieure à 20.5 km/h, ce qui confirme ce que je vois sur le chrono.
J'atteins 26 km/h dans l'épingle suivante, passée en 21:10 (23:15 l'an dernier). Si je ne faiblis pas, je serai même plus proche de 29 que de 30. C'est là que, dans mes souvenirs, je dépasse plusieurs concurrents lents, dont certains ont l'air de rouler ensemble. Je suis toujours concentré, mais il est certain que je roule moins vite que lors de mes dix premières minutes. Je gère mon effort. La trace GPS indiquera en permanence entre 18 et 20 km/h, sauf à un endroit: 15 km/h, ce que je n'explique pas, je ne me souviens pas d'une accentuation de la pente.
J'ai les forces qu'il faut pour aborder les 500 derniers mètres comme prévu, et comme à l'échauffement. En position de recherche de vitesse, assis sur la selle, le nez dans le guidon (pour ne pas voir la ligne d'arrivée, ce qui augmenterait le stress), j'appuie autant que possible sur les pédales. Je respire très fort mais je ne me sens pas mal. Je coupe pratiquement l'effort au niveau du panneau, alors que la ligne est 20 mètres plus loin, mais ça ne change pas grand chose car j'ai de l'élan et c'est presque plat. Je vois entre 28:15 et 28:20 sur le chrono, avec mon décalage je pense avoir mis 29 minutes.
Le verdict sera 28:35, 64ème sur 135, 10ème sur 27 dans ma catégorie non-licencié. Je m'attendais à être autour de la centième place, je suis finalement dans la première moitié du classement. Je suis au niveau des UFOLEP troisième catégorie.
Ce temps est une grande surprise pour moi. 30 minutes me semblait constituer une barrière infranchissable. De plus, c'est plutôt une grimpée pour rouleurs, ce que je ne suis pas, d'où ma surprise de me retrouver à cet endroit du classement. Les conditions étaient certes optimales pour moi: pas de vent, températures de saison, montée matinale. Cependant, j'ai su gérer le stress de l'événement (surprise, là aussi !). Même en constatant que j'avais de l'avance sur mon objectif à 10 minutes de l'arrivée, je n'ai pas eu peur de l'atteindre, ou plutôt de ne pas l'atteindre, je n'ai pas faibli, je l'ai pulvérisé. Je suis impressionné par ma forme cette année.
Après la course...
Je ne me suis pas attardé, en particulier je n'ai pas attendu la remise des trophées. Mais, au sommet, j'ai entendu dire que Jeannie Longo s'élançait à 9h41. Je l'ai donc attendue à mi-parcours pour l'encourager. J'ai eu l'impression qu'elle était nettement en retard par rapport à l'an passé. Elle avait choisi son vélo en titane plutôt que son vélo de contre-la-montre de l'an dernier. Finalement, ce n'était qu'une impressions puisqu'elle termine première féminine en 26:44. Bravo à notre grande championne !
Juste après, en redescendant je croise les moustaches de Georges Dupuis, parti à 9h43, qui termine dans les cent premiers avec 40 printemps de plus que moi... Bravo ! Je me dis alors que l'on va revoir Jeannie Longo sur un certain nombre d'éditions de la grimpée du Benas: elle est encore si jeune !
Cette grimpée me donne envie de participer, éventuellement, à d'autres grimpées, plus près de chez moi... Je pense d'abord aux contre-la-montre, en particulier à la première grimpée Raymond Odezenne organisée par le cyclo-club de Gières. Histoire de profiter de ma forme actuelle, de m'amuser, de rentabiliser mon certificat médical. A suivre.
Quelques photos
L'échauffement: environnement idéal pour me détendre. Calme et fraîcheur:
C'est encore plus plat que dans mes souvenirs:
Ici, c'est plat:
Première épingle à gauche, toujours plat:
Première épingle à droite, celle de l'ex-musée du Verdus: ça va grimper:
Epingle à droite, plate, comme toutes les autres, mais ensuite ça grimpe de nouveau:
On s'élève au-dessus de Privas:
Epingle à gauche, à mi-parcours:
Ça va grimper encore un peu, le col est tout au fond sur la gauche:
Virage du paysan, à fond, ensuite ça va grimper un peu dans la forêt:
Un kilomètre bien régulier:
Au fond, après un virage à droite, ce seront les 500 derniers mètres, généralement vent dans le dos mais pas aujourd'hui:
Retour à la ligne de départ:
Départ dans une minute:
Deuxième descente, pas mal de spectateurs dans le virage à mi-parcours:
Une jolie vue sur les lacets de la montée:
La voiture ouvreuse de Jeannie Longo:
Elle arrive, mais arrive en même temps une autre cycliste qui va me compliquer la tâche...:
Et voilà la championne:
Photos prises par l'organisation. Votre serviteur, au départ puis à l'arrivée:
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