Cette année, j'ai remis le couvert dans le col de Benas, pour l'édition 2014 de la grimpée chronométrée en contre-la-montre.
Pour faire court, je me suis arraché tout le long, j'ai bien géré mon effort, et je gagne 1'30" par rapport à l'an dernier, passant de 28'35" à 27'05".
Il est toujours difficile de revenir participer à une grimpée pour faire mieux que l'année précédente.
L'an dernier, j'étais parti très fort, et j'avais globalement eu l'impression de produire un effort très intense, à la limite de mes capacités. Le chrono du premier concurrent que j'avais dépassé avait également suggéré que j'avais produit, sur les 10 premières minutes, un effort que j'ai été loin de pouvoir soutenir jusqu'au bout: concurrent parti une minute avant moi, dépassé après 8 minutes, mon temps final de 28'35" était seulement 2'17" meilleur que le sien. La régularité aurait voulu que je lui prenne plus de trois minutes.
Cette année, après divers essais sur des montées d'une demi-heure à une heure, je sais que je suis plus fort que l'an dernier. Sur une grimpée d'une petite demi-heure, comme celle du Benas, j'estime ma progression à environ une minute. Les grimpées d'une heure ou plus, beaucoup plus exigeantes, m'ont appris à mieux doser mon effort sur les montées plus courtes. Je n'en ai pas fait tant que ça, car la récupération est bien plus longue: deux Chamrousse, un col de Porte (sous l'heure) et un col du Coq (sous l'heure aussi). En revanche, j'ai fait beaucoup plus de chronos courts cette année, essentiellement dans le col de Vence.
Je sais que je suis plus fort, mais cela ne suffit pas pour exploser le chrono le jour J. Une semaine avant la grimpée du Benas, je commence à me poser des questions. Que faire cette semaine, pour ne pas rouler trop ni pas assez ? Qu'est-ce que je peux améliorer par rapport à l'an dernier ? Est-ce que je peux vraiment faire mieux, sur un parcours finalement assez roulant (4,7% de pente moyenne) ? Est-ce que je ne serai pas déçu si je ne fais pas mieux ?
Les comparaisons avec l'année dernière sont difficiles. Les sensations sont ce qu'elles sont, et l'effort est finalement vécu trop intensément pour pouvoir établir un lien entre les informations subjectives (le vécu) et objectives (le chrono). On peut se croire au top mais constater que le chrono est à une minute de ce que l'on aurait pu faire.
En réponse à toutes les questions que je me pose, je finis par décréter que je roule pour le plaisir, et que sur le vélo je n'ai rien à prouver à personne sinon moi-même. L'essentiel est d'avoir les crocs le jour J: le mental peut faire gagner ou perdre une minute (ou plus !). J'y vais pour me donner à fond, tout en essayant d'appliquer au mieux, compte tenu de la forme du jour J, les recettes tirées de mes entraînements.
Ainsi, je ne me prive pas d'une sortie de 12 heures avec Alex à J-7, ni d'une sortie de 7 heures avec Cricri à J-3.
Le jour J, j'ai donc les crocs.
Aux inscriptions à 7h30, je m'inscris pour 8h31 ce qui me laisse le temps de m'échauffer. Contrairement à l'an dernier, l'échauffement reste raisonnable tout le long. Pas de grosse accélération qui pourrait entamer certains muscles.
Le départ s'effectue en cyclotouriste, un pied à terre. Je suis efficace comme ça, et je ne me suis pas entraîné au départ à la barrière, depuis l'an dernier où j'avais failli tomber et avais fait tomber un plot. Ainsi, pas de risque, et le cerveau reste concentré sur l'essentiel: la course. Et puis franchement, la barrière me ferait gagner quoi, deux secondes ?
Contrairement à l'an dernier, j'ai l'heure GPS sous les yeux, c'est-à-dire l'heure exacte. Quand je lis 8:32:19, je sais que je suis parti depuis précisément 1 min 19 s. L'an dernier, j'avais déclenché le chrono à la main 20 secondes après le départ (encore une perte de temps et de concentration !) donc mes repères étaient imprécis.
En m'inscrivant, j'ai volontairement choisi un passage une minute après un concurrent déjà inscrit, et non après un trou dans le planning. Cela m'offre la possibilité d'avoir éventuellement un lièvre, ce qui m'avait bien motivé l'an dernier.
Cette année, le lièvre est membre du club organisateur, et en général ce sont des costauds...
Sitôt la cale gauche enclenchée, je reste debout quelque temps sur les pédales pour un départ canon. 32 km/h après une dizaine de secondes de course !
Ma vitesse se stabilise rapidement à un rythme plus raisonnable, le temps que le cœur et la respiration montent en rythme. Les jambes n'ont pas été brûlées par le départ, c'est un bon point.
Mes deux premiers repères (4'30 et 5'30) sont passés en avance par rapport à l'an dernier, mais cette avance est difficilement mesurable à ce stade. Le lacet suivant, plus grimpant et contre le vent, accentue mon avance qui se porte à une vingtaine de secondes. J'ai déjà en ligne de mire mon lièvre ! Après vérification visuelle, je coupe l'épingle suivante, plate. Je fais une pointe à 28 km/h et je relance en danseuse. Là, pour la première fois je sens que je suis passé dans le rouge. Pas grave. Je continue d'appuyer fort sur les pédales, je me fais la réflexion que mon lièvre est difficile à rattraper mais peu importe. Je finis par le doubler. Un coup d’œil (inutile...) en arrière un peu plus tard me permettra de vérifier que je ne le sème pas facilement. Je trouve que ma vitesse est faible dans la portion plus plate qui suit (le GPS dira 25 km/h).
Je poursuis l'effort jusqu'à l'épingle suivante, celle du paysan. J'y passe avec une minute d'avance. Génial ! De plus, je suis encouragé par l'organisatrice à cet endroit, comme par tous les organisateurs aux autres emplacements, par le public, et par les concurrents qui redescendent (de la même manière que je les avais encouragés précédemment en redescendant de mon échauffement). Tous ces encouragements me sont très utiles. Les gens voient à ma tête que je ne plaisante pas dans mon effort, ils m'encouragent encore plus et je m'arrache encore plus. Je fais une pointe à 26 km/h dans cette épingle.
Contrairement à l'an dernier, je n'ai pas l'impression de simplement gérer cette deuxième moitié d'ascension: je la fais à fond et je n'ai pas peur de me griller. Le même point de côté que l'an dernier a voulu revenir, mais il est reparti aussitôt. A un seul moment, à la question permanente "suis-je vraiment sur un rythme de grimpée chrono ?", je me suis répondu "bof". Et là j'en ai remis un grand coup dans les pédales. A quoi cela aurait servi de se déplacer pour réaliser une performance "bof" ?
Je reprends un deuxième concurrent, dont je ne vois pas le dossard, puis un troisième, très attardé (8h17).
A l'approche de la dernière ligne droite, qui doit me prendre environ 1'15", je pense gagner une minute par rapport à l'an dernier. Mais mon repère n'est pas très précis. J'accentue mon effort, assis, en position plus ou moins aérodynamique. Cette année, j'ai la grande chance d'avoir le vent dans le dos, qui me rapportera sans doute plusieurs secondes rien que sur cette portion, avalée 3 km/h plus vite que l'an dernier. Un organisateur pré-annonce mon numéro de dossard dans un talkie-walkie (mieux que l'an dernier où il devait le crier !), puis j'aperçois la ligne. Les secondes défilent encore sur le GPS puis, voilà, j'ai finalement gagné 1'30" par rapport à l'an dernier.
Je ne saurais dire ce que m'a apporté le vent sur cette montée. En tout cas, il ne m'a pas trop gêné sur les portions où j'étais censé être face au vent, et il m'a clairement avantagé sur le final (mais pour quelques secondes). Sur 1'30", pour faire simple on va dire que 1 minute est liée à ma progression, et 30 secondes au vent...
De toute façon, le contrat est rempli puisque je me suis donné à fond. Et j'ai été bien meilleur que l'an dernier sur la deuxième moitié, tout en étant meilleur aussi sur la première. J'ai progressé en régularité sur 30 minutes, ou du moins j'ai la forme pour pouvoir élever la deuxième moitié au niveau (ou presque) de la première.
Et le classement ?
Au final, je me classe 41ème sur 153, à comparer à ma 64ème place sur 135 l'an dernier. Ouah ! Je passe donc du milieu de classement à pratiquement le premier quart. Il faut relativiser ce classement, d'abord parce qu'il y avait des absents de marque cette année (les vainqueurs des deux précédentes éditions, Jeannie Longo, etc.), ensuite parce que, il faut bien le reconnaître, le niveau n'est pas aussi relevé que sur les grimpées grenobloises. D'un autre côté, je suis un piètre rouleur, et cette montée à 4,7% de pente moyenne, toute en relances, n'a pas le profil idéal pour moi qui m'entraîne sur des pentes plutôt régulières à 7 ou 8% de moyenne.
Le classement semble aussi confirmer que ma montée a été régulière. Le concurrent parti une minute avant moi, que j'ai doublé à mi-parcours, a mis deux minutes de plus que moi. C'est cohérent.
Il sera difficile de faire mieux l'an prochain... Mais je disais la même chose l'an dernier, et que dire de l'année précédente, où les 30 minutes me semblaient être une barrière infranchissable, alors qu'aujourd'hui je progresse d'année en année par gros paquets de dizaines de secondes.
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