Mon vélo, mes cols

Col de la Croix de Fer (2067 m) (profil)

Le 11 Juin 2006, départ à 9h d'Allemont (720 m)

Le col de la Croix de Fer est le point de départ de ma conquête des cols à vélo.
Les années précédentes, je parcourais mille à deux mille kilomètres par an: uniquement entre mars en octobre, et des cols essentiellement en juillet et en août. Dans tous les cas, mes sorties ne dépassaient qu'exceptionnellement deux heures: ma sortie de référence est la montée de Chamrousse, qui fait une petite soixantaine de kilomètres (mais tout de même 2h30 de montée).
Depuis un an environ, j'ai décidé de me "professionnaliser" un peu, avec deux thèmes pour 2006: allongement des sorties, et accumulation de dénivelé positif. L'objectif est d'atteindre un niveau de forme me permettant de franchir enfin des grands cols, c'est-à-dire d'enchaîner des heures de montée sans défaillance.
Pour atteindre ce but, il n'y a pas de secret: il faut engranger des kilomètres et multiplier les sorties, le plus régulièrement possible. Pour la première fois cette année, je ne me suis pas interrompu pendant l'hiver. En fait, je ne suis jamais resté deux semaines sans rouler. J'ai allongé les sorties dès l'arrivée du printemps et l'allongement de la durée des journées. J'ai multiplié les montées dès la fin mars, notamment dans l'ascension de Chamrousse que je connais maintenant par coeur, et qui possède le double avantage de se situer tout près de chez moi et d'être remarquablement régulière. Faire et refaire la même montée est un travail très efficace. Le relevé des chronos permet d'apprendre à mieux se connaître: optimisation de la durée de récupération entre deux sorties, amélioration de l'alimentation avant et pendant l'effort, meilleure gestion des efforts sur toute la durée de l'ascension, capacité de résistance à la chaleur, capacité à changer de rythme, à changer de position pour repousser la fatigue, etc.
De plus, depuis décembre, je dispose d'un nouvel allié dont il me faut comprendre le fonctionnement: un cardiofréquencemètre. C'est d'une aide précieuse lorsqu'il s'agit de préserver ses forces pour une ascension de longue durée. Cependant, il faut un certain temps pour arriver à interprêter correctement les informations qu'il fournit, qui dépendent de l'individu et de nombreux autres paramètres.

Je l'ai décidé il y a longtemps: le col de la Croix de Fer serait mon premier 2000. La première raison est que son dénivelé n'est guère plus important que celui de la montée de Chamrousse, que j'ai l'habitude de faire plusieurs fois pas an. Ensuite, ce col est le plus proche de chez moi: j'habite à moins de 45 minutes en voiture du point de départ de la montée, Rochetaillée. Enfin, ce col ne culmine pas à beaucoup plus de 2000 mètres.
Je prépare cette montée depuis un an. En effet, au début du mois d'août 2005, j'avais déjà reconnu ce col pour la première fois, en voiture. J'avais été impressionné, notamment par les deux rampes les plus redoutables, à savoir celle d'Articol qui précède le Rivier d'Allemont, et celle qui succède à la traversée de l'Eau d'Olle après le Rivier d'Allemont. Cette dernière est un véritable mur d'un kilomètre à 11%, suivi d'une très courte descente puis d'un deuxième passage d'un kilomètre à plus de 10%.
Malheureusement, l'an dernier je n'ai pas pu tenter l'ascension de ce col. Comme chaque année, j'ai atteint ma forme optimale au mois d'août, pendant mes vacances, période pendant laquelle je fais le plus de sport. Or le mois d'août est souvent beaucoup plus capricieux que celui de juillet en termes de conditions météorologiques en haute montagne, et je n'ai pas réussi à trouver une journée avec des conditions suffisamment bonnes pour tenter l'ascension.
J'ai reconnu à nouveau le col de la Croix de Fer il y a deux semaines, peu après le déneigement de la route. J'y ai repéré les passages où la route est mauvaise: il y a de nombreuses chutes de pierres sur toute la portion qui remonte de l'Eau d'Olle jusqu'au barrage de Grand Maison. En revanche, il n'y a pas eu de miracle pendant l'hiver: les rampes à plus de 10% sont encore là !

A 9h je suis sur mon vélo au départ d'Allemont. Je ne suis pas le seul, mais les autres sont à VTT, pour une journée de découverte des parcours de la vallée.
Je monte au barrage du Verney sans fournir trop d'effort, avant de bifurquer à gauche où m'attendent quelques kilomètres de plat pour un échauffement idéal.
Là un cycliste me rejoint: lui aussi va attaquer le col. Il me raconte qu'il l'a déjà tenté l'an dernier et qu'il a échoué. Il a mal supporté les fameuses rampes, et s'est retrouvé sans forces au barrage de Grand Maison, où il a dû faire demi-tour. Je jette un coup d'oeil vers son vélo: ce n'est pas étonnant, il ne dispose que de deux plateaux. Il me dit qu'il espère bien y arriver cette année, et que pour cela il dispose d'un pignon avec plus de dents pour son plus petit développement. Il compte monter en trois heures: c'est également le temps que je me suis fixé. Peut-être allons nous faire la route ensemble. Pour lui, ce col "n'a rien à voir" avec une montée de l'Alpe d'Huez, ou encore une montée de Chamrousse. J'ai le même avis sur la question, même si ce n'est guère encourageant pour la suite des événements !

Nous arrivons aux premières pentes, peu impressionnantes sur le papier, mais tout de même à 6 ou 7%. Il me faut trouver mon rythme et surtout éviter d'être en sur-régime dès le début de la montée. C'est pourtant ce qu'il se produit en essayant de suivre mon compagnon de route du jour. Dès les premiers hectomètres, je me retrouve au-dessus de 170 pulsations par minute. Je décide raisonnablement de réduire la cadence et me laisse décrocher.
Je roule désormais tout seul. La pente s'accentue à partir d'Articol, et la route est de plus en plus exposée au soleil. Il fait déjà chaud, et pour moi qui crains tout particulièrement la chaleur, je m'inquiète pour la suite de l'ascension. Mais je me concentre sur ma montée et sur rien d'autre. Je sais qu'atteindre le Rivier d'Allemont n'est pas une mince affaire et qu'il est normal de souffrir.

Au Rivier d'Allemont, c'est l'heure d'un premier bilan de forme: ce n'est pas si mal. Le kilomètre de plat qui s'ensuit ne sera pas de trop pour récupérer, soulager les jambes et tout le reste du corps. J'en aurai bien besoin: la fameuse rampe à 11% approche. Justement, je commence à l'apercevoir de l'autre côté de la rivière. Vu d'ici, c'est impressionnant. J'y découvre mon collègue du début de la montée: il est débout sur les pédales, mais il avance et ne semble pas en difficulté.
Avant la rampe, la route descend d'une centaine de mètres pour traverser l'Eau d'Olle, en quatre lacets très courts mais très pentus. Il faudra retraverser la rivière un peu plus loin pour rejoindre le Défilé du Maupas. C'est la raison de ces fameuses pentes à plus de 10%. En fait, la route initiale restait adossée à la montagne des Sept Laux et se situait une centaine de mètres au-dessus de l'Eau d'Olle, jusqu'à ce qu'une portion s'éboule, il y a une trentaine d'année. La route n'a pas pu être reconstruite au même endroit. Vous emprunterez une partie de l'ancienne route si vous effectuez la randonnée pédestre qui part du Rivier d'Allemont et qui monte aux lacs des Sept Laux.
Il est intéressant de savoir que ce n'est pas la seule fois où le tracé de la route menant au col de la Croix de Fer par le versant Sud a été modifié. Il l'a également été suite à la construction du barrage de Grand Maison, qui a duré de 1978 à 1985.

Voici la fameuse rampe. Je me cale sur mon rythme et attends que ça passe... C'est difficile, mais ça passe. Petite descente, le temps de retraverser l'Eau d'Olle et la route remonte de plus belle. Quelques lacets plus loin, les pourcentages deviennent plus raisonnables en direction du barrage. A partir de cet instant, je trouve un rythme de croisière supportable que je décide de conserver jusqu'au sommet. Il me reste plus d'une heure de montée, je me sens bien mais ça peut très bien ne pas durer.
Une dame est en voiture et s'arrête régulièrement pour prendre des photos du paysage. Elle me double donc régulièrement, jusqu'à ce que je m'aperçoive que cette dame ne fait pas uniquement du tourisme: elle assiste un cycliste dans la montée. Je n'aurai pas l'occasion de voir ce vélo, qui semblait grimper plus vite que moi, mais qui mettait pied à terre régulièrement.
Deux Hollandais me dépassent sur un bon rythme, puis d'autres. En fait, ils sont tout un groupe à faire l'ascension en ce beau dimanche, mais ce groupe a complètement éclaté dans la montée.

L'arrivée au barrage (1700 m) est un soulagement car la route s'aplanit, mais pas pour très longtemps. Après l'entrée dans le département de la Savoie, il y a une descente de plus d'un kilomètre avant la montée vers le col du Glandon.
De plus en plus de cyclistes me dépassent, alors qu'ils étaient presque absents du paysage jusqu'au barrage. J'ai de plus en plus de mal à avancer: je ne me suis pas assez alimenté. La vue de l'hôtel du col du Glandon me redonne des forces et du courage.
Je laisse sur ma gauche la route qui monte au Glandon. A cet instant, il ne reste "que" trois kilomètres, à "seulement" 6% de moyenne. Pour moi, ce seront les kilomètres les plus difficiles de la montée. C'est quasiment la fringale et je suis contraint de ralentir considérablement l'allure et de ne plus dépasser les 160 pulsations.
La route semble interminable. Nous sommes de nombreux cyclistes à rouler sur cette portion. Bizarrement, ils roulent à mon rythme, et j'en dépasse même quelques-uns. Certains doivent venir du Glandon, qu'ils ont grimpé depuis la Maurienne. Leurs discussions m'occupent l'esprit et me permettent d'oublier un peu la souffrance. Je croise le cycliste avec lequel j'avais discuté au début de la montée et qui commence sa descente (sans casque...). Je lui souhaite une bonne descente, il me reconnaît et me félicite.
Puis je me dis que je dois être à 2000 mètres d'altitude. Je savoure cet instant: c'est la première fois que je franchis cette altitude à la force des pédales ! C'est un grand moment.
Enfin, j'aperçois le col au loin. Plus que le col, c'est la multitude de véhicules garés au sommet que je vois. Dans ma tête, le fait d'apercevoir l'arrivée est déterminant. Je jette mes dernières forces dans la bataille.

Au terme d'une longue souffrance, je parviens enfin au sommet en 2 heures et 50 minutes. Voilà, j'ai gravi mon premier 2000 !
Après un quart-d'heure de repos, je mange un peu et enfourche le vélo pour la descente. Il y a un peu de vent, et je n'ai pas totalement confiance dans la route et dans mon vélo donc je descends prudemment. La remontée vers le barrage est pénible. Des Hollandais me dépassent à une vitesse inimaginable. Puis voici le passage tant redouté: les quatre lacets qui remontent vers le Défilé du Maupas. Mais la descente m'a laissé le temps de retrouver des forces. Je n'ai plus du tout la sensation de fringale et grimpe ces lacets sans encombre. Le reste de la descente est une formalité. Je salue tous les VTT que je croise et qui doivent mourir de chaud à cette heure-ci.

Cette ascension restera longtemps gravée dans ma mémoire.
Ce qui fait du col de la Croix de Fer un grand col, ce n'est pas tellement son dénivelé (1520 m) ni sa longueur (30 km depuis Allemont). La réelle difficulté se situe au niveau de l'irrégularité de la pente. Ce col n'a rien à voir avec une montée de Chamrousse, dont le dénivelé est semblable, mais dont la régularité est exceptionnelle.
Les passages à plus de 10% font vraiment mal. Vous pouvez y laisser des forces, voire y compromettre la montée si vous n'avez jamais recontré de tels pourcentages, ou si par un excès d'optimisme vous pensiez parvenir au terme de cette ascension avec un plateau de 39 dents...

L'Alpe d'Huez (1815 m) (profil)

Le 25 Juin 2006, départ à 8h de Bourg-d'Oisans (730 m)

Après deux semaines sans rouler (ma dernière sortie était l'ascension du col de la Croix de Fer), j'ai repris le vélo hier pour une petite sortie éclair à Prémol: 850 mètres de dénivelé. Petite sortie, gros efforts. Un arrêt de deux semaines ne pardonne pas, les sensations étaient mauvaises, le coeur battait trop vite et le temps de passage à Prémol fut médiocre: le deuxième plus mauvais de l'année.

C'est donc avec la plus grande prudence que je me présente en ce dimanche matin au pied de la montée mythique de l'Alpe d'Huez.
Pourtant, sur le papier, cette montée ne devrait pas m'impressionner. En ce qui concerne le dénivelé, à moins d'être dans un mauvais jour, à 1100 mètres il est largement dans mes cordes. A un peu plus de 8% de moyenne, les 21 lacets doivent pouvoir être gravis sans difficulté.

Les quatre premiers lacets sont les plus difficiles: ce sont les seuls à dépasser les 10% de pente moyenne. Deux rampes très longues, les plus longues du parcours, précèdent deux lacets beaucoup plus courts (les plus courts de la montée).
Je sais franchir ce type de pourcentage. L'inquiétude pourrait venir du fait qu'il intervient dès le début de la montée, et qu'il ne faut pas s'enflammer. Je me cale donc tranquillement sur mon petit rythme. La météo est avec moi: le temps est couvert et il ne va pas faire trop chaud. Espérons qu'il ne pleuve pas avant le sommet.
Une autre inquiétude concerne mes jambes: je ne sais pas comment elles vont encaisser les deux heures de montée d'aujourd'hui suite à l'heure et demi d'hier.
Un cycliste me double très vite dans les fortes pentes. Il doit être sur un plateau de 39 dents et force à chaque coup de pédale en faisant de légers zigzags sur la route, mais il reste assis.

Au Ribot, deux cyclistes, vraisemblablement un père et sa fille, repartent devant moi. Lacet après lacet, ils conservent une bonne avance jusqu'à ce que je les perde de vue, avant de les reprendre à l'entrée d'Huez où il s'étaient arrêtés.
Je poursuis sur un bon rythme, mes jambes ne font toujours pas mal.

Après Huez sortent les premiers rayons de soleil. J'ai la station de l'Alpe en ligne de mire, et pourtant je suis encore en grande forme. Je fais de réguliers passages en danseuse. Le parcours officiel du Tour de France passe par l'entrée Ouest de l'Alpe d'Huez, à la bifurcation (qui se trouve entre le virage 4 et le virage 3 si mes souvenirs sont bons) il ne faut donc pas prendre la route qui part sur la droite.

Au virage numéro 2 se trouve le photographe de la station. Je suis presque au sommet. Le final comporte un passage à forte pente, et la banderole d'arrivée se situe juste derrière.

Je franchis la banderole en 1 heure et 35 minutes. Je pensais que ce serait beaucoup plus difficile. Il me reste encore pas mal de forces: je grimpe en danseuse jusqu'au sommet de la station.
Les photos prises au virage numéro 2, dont l'une est visible en haut de cette page, montrent effectivement que j'ai l'air encore bien frais.

Cette ascension est une petite déception. Bien sûr, il faut l'avoir faite une fois. En revanche, à moins d'habiter sur place, ou à moins de vouloir faire un chrono, ce n'est pas une montée que je referais de sitôt. Cette courte montée ne vaut pas la peine de se lever à 6h un dimanche matin et de faire 50 kilomètres en voiture.
Cependant, cette montée constitue un excellent final d'étape de montagne. Après avoir franchi de grands cols comme le Galibier, le duo Madeleine/Glandon ou l'Izoard puis le Lautaret, il est compréhensible que l'ascension de l'Alpe d'Huez puisse faire une énorme différence dans un peloton car la fraîcheur n'est plus la même. Mais la montée de l'Alpe à elle seule n'est qu'une "petite bosse à chrono".
Il ne faut pas oublier que c'est un peu par hasard si l'Alpe d'Huez est une arrivée d'étape de plus d'une édition du Tour de France sur deux. En effet, le Tour de France est arrivé à l'Alpe pour la première fois en 1952 avec la victoire d'étape de Fausto Coppi. Il n'y retournera pas avant 1976, parce que la ville de Grenoble ne souhaite pas l'accueillir cette année-là. Depuis, le Tour de France a fait étape 24 fois de plus à l'Alpe d'Huez, dont 2 fois pour la seule édition 1979 !

Complété le 3 septembre 2006:
Je suis remonté à l'Alpe d'Huez hier: j'ai gagné 4 minutes à la banderole de l'office du tourisme. Les grosses sorties du mois d'août n'y sont pas étrangères (environ 900 km pour 18 000 mètres de dénivelé positif).
Cette montée est quand même difficile à gérer, j'ai dû ralentir un peu l'allure avant le virage numéro 2, afini d'être présentable pour la photo !
L'objectif du jour était le col du Poutran, en direction du lac Besson, puis le col de Sarenne et sa magnifique descente sur Clavans.

Prapoutel-Les Sept Laux (1350 m)

Col des Ayes (944 m)

Le 1er Juillet 2006, départ à 8h de Gières (220 m)

Ce premier jour de Juillet marque le début d'une période de canicule. Je pars donc de bonne heure pour cette étape un peu particulière qui doit me mener à la station de Prapoutel, dans le massif des Sept Laux au Nord de la chaîne de Belledonne, à 1350 mètres d'altitude. Cette sortie est particulière car elle commence par une quinzaine de kilomètres de route presque plate, de Gières à Brignoud (commune de Villard-Bonnot).

Je démarre donc très doucement avec quelques accélérations pour chauffer la machine, dans les côtes de Domène, le Versoud et Lancey. Je connais cette route par coeur et ne prends pas de risque inutile.
La montée commence à Brignoud sur une route à l'ombre et en parfait état. Les pourcentages doivent tourner autour de 7 ou 8%.
Dès l'arrivée à Laval, les choses se gâtent: la route est mauvaise, étroite, et monte terriblement pendant un bon kilomètre. Ensuite ça se calme un peu, mais la pente reste supérieure à 8% pendant de longs kilomètres. En jetant un oeil derrière soi, la vue sur la vallée et la Chartreuse est magnifique.

En suivant la direction des Sept Laux, la route se met à redescendre sur près de 3 kilomètres. Ce n'était pas prévu au programme, mais je n'avais pas étudié le parcours correctement avant de partir. En réalité, la route qui monte le plus directement aux Sept Laux part de Froges. D'ailleurs, à plusieurs intersections, la direction des Sept Laux est absente des panneaux.
Il faut attendre la proximité du col des Ayes pour se raccrocher à un panneau. La route remonte doucement jusqu'à ce col. Juste avant le col, il faut bifurquer sur la droite en direction des Sept Laux.

La montée des Sept Laux est pénible. Je n'ai pas encore l'habitude des étapes si longues et je manque de kilomètres. Les deux premiers à 8% font mal. La pente des kilomètres restants est plus faible, mais les jambes commencent à fatiguer et les mouches s'accrochent.
On peut apercevoir la station dès le début de la montée, mais je ne sais pas où se situe exactement l'arrivée à 1350 m. Finalement, et heureusement, la station arrive plus vite que prévu. Elle est complètement déserte en cette saison. Le chrono indique 2h33' depuis Gières, 1h58' depuis Brignoud. Comme au col de la Croix de Fer il y a trois semaines, j'ai du mal à soutenir mes efforts plus de 2 heures en continu.

J'avale du solide et je redescends en suivant la direction de Froges. La route est très agréable, parfaite, large, en passant par les Adrets on retombe à seulement deux kilomètres de Brignoud. Il faut faire attention à la fin de la descente: la route se rétrécit brutalement.
Il me reste 15 kilomètres. Il est onze heures, il fait chaud et je n'ai plus d'eau mais encore assez de forces et c'est l'essentiel.

Cette balade était agréable, elle m'a permis de découvrir une partie des balcons de Belledonne que je ne connaissais pas. Un jour je ferai le tour complet des balcons de Belledonne.

Col du Coq (1434 m) (profil)

Le 14 Juillet 2006, départ à 8h de Gières (220 m)

C'est une sortie difficile qui m'attend. J'avais prévu de faire le tour des balcons de Belledonne en montant par Venon, et en redescendant par la vallée par Allevard.
Finalement, après 15 jours sans rouler, je me dis que ce n'est pas raisonnable. Je n'ai pas encore la condition physique suffisante pour aborder les presque 100 km et 1800 mètres de dénivelé. De plus, j'ai une idée derrière pour dimanche et je ne veux pas me griller les jambes pour le week-end.

Comme souvent, je me décide un quart d'heure avant de partir: l'heureux élu sera le Col du Coq depuis Gières.
En terme de difficulté, il ne vaut pas le tour des balcons de Belledonne, mais c'est tout de même un sacré col. Qui a déjà fait la randonnée de la Dent de Crolles est passé par là en voiture et se souvient peut-être de la longue ligne droite qui s'élève au-dessus de Saint-Nazaire-les-Eymes. 12 pour cent ! De quoi en décourager plus d'un.
Ayant fait le parcours plusieurs fois en voiture (moyen de locomotion qui constitue l'autre manière d'apprécier les montées de col), je me souviens aussi de l'ascension finale avec cette petite route à forts pourcentages. Je me souviens aussi qu'il y a deux tunnels sur le parcours. Ca, c'est nouveau pour moi et il faudra se méfier. J'ai une lumière à diode rouge à l'arrière de mon vélo, elle éclaire bien et m'aidera à être vu par les voitures. Je n'ai pas étudié précisément le profil du col. Ce sera sans doute plus difficile que la montée de l'Alpe d'Huez.

Bien, allons-y. Il y a une grosse demi-heure pour rejoindre le début de l'ascension. De quoi mettre en chauffe, après 15 jours d'arrêt ce n'est pas de trop. Je remonte la rive gauche de l'Isère et traverse à Domène. A cet endroit la route s'élève mais ce n'est pas encore le début du col. Ca commence mal: mon pédalier couine à chaque tour de pédale, c'est assez agaçant. Pour couronner le tout, ma chaîne saute en passant le petit plateau, je dois m'arrêter pour la remettre dans le droit chemin.

Ca y est il faut prendre à gauche, direction Saint-Hilaire-du-Touvet. C'est là que la route s'élève violemment. Je connais ce type de pourcentage, je savais à quoi je devais m'attendre, mais aujourd'hui c'est plus difficile que jamais. Il n'est pas encore 9h mais le soleil tape déjà fort. Je paye là aussi mon manque d'exercice.
Une fois cette longue portion en ligne droite terminée, l'ascension se poursuit par une série de lacets aux pourcentages beaucoup plus raisonnables. C'est cependant insuffisant pour me permettre de récupérer.
Ensuite arrivent les deux tunnels. Ca commence mal: la portion initiale du premier n'est pas éclairée. Panne d'éclairage ? En tout cas, je roule à l'aveuglette. A dix kilomètres heure je ne risque pas grand chose. Le plus dur est que la route continue à monter dans ces tunnels. Je veux sortir au plus vite et accélère le rythme. La faible lumière me permet quand même de jeter un coup d'oeil à mon compteur: je suis à 175 pulsations par minutes. Il ne serait pas raisonnable de monter plus haut.

Quelques centaines de mètres après le second tunnel, il faut bifurquer à gauche en direction du col du Coq. Tout droit, on se dirigerait vers Saint-Hilaire-du-Touvet.
Ici commence la partie difficile de l'ascension. Du moins, c'est ce que je crois à cet instant. Bonne surprise: les deux premiers kilomètres ne montent pas tant que ça. C'est tout de même du 7 à 8%, mais ce petit répit est appréciable.
Je commence enfin à aller un peu mieux. Ce n'est pas trop tôt: il m'aura fallu près d'une heure et demie pour trouver mon rythme ! Un VTT me double, il va beaucoup plus vite que moi. Je ne m'affole pas, je sais que la difficulté n'est pas encore arrivée. Elle n'est pas loin.

Les quatre derniers kilomètres sont un enfer à près de 10% de moyenne. Je roule doucement mais je suis bien. Je fais régulièrement des passages en danseuse pour changer de position et soulager l'assise. Deux touristes sont en ligne de mire: il me faut presque un kilomètre pour les rattraper. Madame s'est laissée distancer et il lui reste encore des forces pour répondre à mon "bonjour". Cent mètres plus loin, ce n'est pas le cas de monsieur: il ne parvient pas à me saluer. Je relance en danseuse.
Mon portable sonne. Le temps de dégainer, il s'est déjà mis sur répondeur et mon pouls est monté à 180. Je suis dans le rouge. C'est la dernière fois que je laisse le portable allumé quand je fais du vélo !

Le dernier kilomètre est, d'après le profil trouvé sur internet, le plus dur, mais l'approche du sommet facilite considérablement la tâche. Je m'adonne à compter les véhicules garés sur le côté. Premier parking: 40 véhicules. Second parking: 30 véhicules. Il n'est que 10h30 ! Il va y avoir du monde pour pique-niquer sur la Dent de Crolles en ce 14 juillet.
Voici enfin le sommet, en 2h31', et avec encore quelques forces dans les jambes.

Je m'accorde 5 minutes d'arrêt avant la descente.
Cette descente n'a rien de particulier. Je croise un cycliste à l'arrêt dans le dernier kilomètre. La tête sur le guidon, il n'en peut plus. Encore un qui s'est acheté un "vélo de pro" avec un pédalier compact mais qui est incapable de l'emmener sur du 10%... Le triple plateau a encore une longue vie devant lui, du moins pour les cyclotouristes.

De retour à la maison, je suis fatigué (3h30 de route toute de même) mais satisfait d'avoir franchi ce col. Il ne représente "que" 1100 mètres de dénivelé, mais ce n'est vraiment pas un col facile.
Pour la première fois, j'arrive à enchaîner deux heures et demi d'efforts sans trop de difficulté. Cela signifie que je progresse, et peut-être aussi que je m'alimente mieux pendant l'effort.
Le col du Coq est nettement plus dur que la montée de l'Alpe d'Huez, et plus facile que la Croix de Fer par le barrage du Verney.
Pourvu que les jambes récupèrent d'ici dimanche. J'ai une petite idée derrière la tête, mais chut, c'est un secret.

Col du Galibier (2645 m) (profil)

Col du Lautaret (2058 m) (profil)

Le 16 Juillet 2006, départ à 7h30 de Bourg-d'Oisans (730 m)

J'ai pris la décision hier soir: aujourd'hui ce sera le Lautaret. La météo annonce des orages pour la mi-journée, mais si le temps ne se gâte pas j'espère bien enchaîner avec le Galibier.
Je sais que la montée est longue: près de 50 kilomètres. Je sais aussi que je ne suis jamais monté aussi haut: il me faudra entre 3h30 et 4 heures d'après mes prévisions. Pourtant, au lever ce matin à 5h, je n'ai qu'une seule obsession: la météo. Si le temps se gâtait au Lautaret, il me faudrait une heure pour redescendre à la voiture dans des conditions difficiles.

Quand il s'agit du Galibier, quelques préliminaires s'imposent. Ce col est mythique. Le Tour de France y passe régulièrement, et quand il y passe, c'est souvent le sommet du Tour (2645 mètres).
En ce qui me concerne, il représente l'objectif ultime. C'est le genre de défi impossible que l'on ne réussit que dans les rêves. Mais depuis le franchissement de mon premier "2000" (la Croix de Fer, le 11 juin dernier), je sais que tout est possible. De plus, j'ai depuis résolu mes problèmes d'alimentation, ceux qui m'empêchaient de dépasser les 2h à 2h30 d'effort en continu.
Je suis déterminé. Le franchissement du Galibier représenterait une sorte d'exploit, pour moi qui n'ai jamais été sportif et qui n'ai commencé le vélo que depuis peu.
Néanmoins je ne pars pas à l'assaut du Galibier sans une préparation minutieuse. Certains le font, une partie réussiront, par hasard ou parce qu'ils sont génétiquement bien dôtés. Je ne suis pas de ceux qui aiment laisser une si grande part au hasard. J'ai roulé 1500 km depuis le début de l'année, 2600 km sur 12 mois, et grimpé de nombreux cols depuis le mois de mars.
Depuis cette année, je ne me contente plus de rouler aux sensations, et je me sers d'un cardio-fréquencemètre pour doser mon effort. Les multiples ascensions m'ont permis de mieux comprendre les informations qu'il me fournit, et ainsi de mieux connaître les réactions de mon corps à l'effort. Je ne monte pas vite, mais je sais à quelle vitesse je peux monter sans être dans le rouge. La fringale étant l'ennemie jurée du cycliste, je fais également attention à mon alimentation, et utilise des boissons d'effort.

7h25: départ de Bourg d'Oisans. Mon parking habituel, au pied de la montée de l'Alpe, est rempli de caravanes. Normal, c'est l'été et surtout, le Tour de France arrive à l'Alpe d'Huez dans deux jours.
Tout doucement, la route commence par un long faux-plat en ligne droite. C'est idéal pour s'échauffer. Les jambes ont l'air d'avoir plutôt bien récupéré des efforts de vendredi. La route commence à s'élever en direction du barrage du Chambon, et arrive le premier tunnel. Et là, c'est le drame. A peine entré dans le tunnel, la route est de qualité médiocre. Sensation bizarre sur le pneu arrière. Je descends du vélo, heureusement à cet endroit il y a un trottoir pour se protéger de la circulation. Pas de doute: mon pneu arrière a crevé. Je termine le tunnel à pied, et traverse la route pour réparer tranquillement de l'autre côté.
Je ne suis pas si tranquille que ça, d'ailleurs. L'idée de retourner à la voiture me traverse l'esprit. Pas question ! Au bout de 5 kilomètres, c'est pourtant mal parti. J'ai deux chambres à air de rechange, après cet incident il m'en restera encore une, au cas où le sort décidait de s'acharner sur moi aujourd'hui.
Non, le vrai risque c'est que ma petite pompe de secours ne suffise pas à mettre 6 ou 7 bars de pression dans la nouvelle chambre. Pour un pneu arrière, c'est embêtant. Je répare, non sans rechercher les causes de cette crevaison. La chambre est percée d'un tout petit trou, par lequel l'air a mis pas mal de temps à s'échapper. Dans le pneu à cet endroit, je ne trouve rien de suspect et je remonte le tout avec une chambre toute neuve. C'était sans doute un caillou particulièrement vicieux, avec un gonflage un peu exagéré (près de 8 bars), et également un pneu assez usé (3500 km pour un Michelin Speedium utilisé exclusivement à l'arrière), le tout saupoudré d'une pincée de malchance.
Après 20 minutes, je repars enfin. Cent mètres plus loin, le pneu arrière me semble mou à nouveau. Il n'a pas crevé, mais je m'arrête pour rajouter de la pression. A l'arrivée, ma pompe de précision affichera un peu plus de 6 bars. Ce n'est finalement pas si mal pour une petite pompe de secours !

Cet incident me pertubera plusieurs kilomètres durant. Redescente sur le Freney d'Oisans puis remontée sur le barrage du Chambon, le tout ne faisant pas trop mal aux jambes. Avant de traverser le barrage, une route part aux Deux-Alpes. Ce ne sera pas pour aujourd'hui.
Une fois le barrage traversé, c'est enfin la campagne. De longs kilomètres d'ascension douce m'attendent jusqu'à La Grave, où la pente s'accentuera. La route est à l'ombre et longe le lac du Chambon puis remonte la Romanche. Les paysages sont magnifiques, les tunnels nombreux.
Un panneau annonce le camping de la Meije à La Grave à trois minutes. Cinq cents mètres plus loin, le camping est également annoncé à trois minutes, c'est agaçant ! A La Grave, j'ai encore mes jambes et le temps est au beau fixe.
La pente s'accentue, mais ce n'est qu'à partir de Villar d'Arène, à 1650 mètres, que le col du Lautaret commence à se faire désirer. J'ai déjà terminé ma poche d'eau (1.5 litre). A partir de cet endroit, il n'y a plus du tout d'ombre (ni de tunnel !). Il doit être dix heures et il commence à faire chaud. Le final vers le col est presque plat, ouf!

Je m'arrête sur le parking du col, où il y a un monde fou. On avait sans doute dû les avertir de mon passage aujourd'hui (!).
Déjà presque 3 heures d'effort, sans compter les 20 minutes d'arrêt après la crevaison. Sur les 3 litres d'eau emportés au départ, il me reste un bidon et demi. Les cuisses ? Elles font mal. Mais la forme est encore bonne, pas de baisse de régime, pas de hausse inconsidérée du rythme cardiaque, pas d'essoufflement, pas de signe de fatigue particulier.
La décision est prise: je monterai le Galibier. Je ne suis pas monté jusqu'ici pour m'arrêter au Lautaret, à une heure du sommet !

C'est parti pour 8 kilomètres. C'est du moins ce qu'annonce le panneau au départ. Je découvrirai plus tard que la montée fait 500 mètres de plus, et que ces 500 mètres ne sont pas les plus faciles, et c'est un euphémisme.
Les deux premiers kilomètres sont faciles. Mais je ne suis pas dupe, il va bien falloir que ça monte à un moment ou à un autre. Les deux kilomètres suivants font mal. L'altitude, le soleil, la transpiration font baisser le rythme. Sur le compteur, je ne regarde plus la cadence de pédalage ni la vitesse. Je veille uniquement à conserver une fréquence cardiaque convenable (170 est un seuil à ne pas trop dépasser), tout en décomptant les kilomètres restants.

Après quatre kilomètres je me sens mieux. C'est peut-être le seuil psychologique de la mi-hauteur du col, ou plutôt la pente qui commence à s'assagir.
Toujours est-il que je me remets en danseuse, j'arrive à résister sur plusieurs centaines de mètres à un cycliste avant qu'il ne finisse par me doubler. D'autres cyclistes me dépassent, mais eux vont beaucoup plus vite. Je suis bien, presque euphorique (est-ce l'altitude ?).
Plus je monte et plus les cyclistes sont sourds, ou malpolis voire condescendants: ils ne répondent plus quand je leur dis bonjour. Peut-être se croient-ils sur un contre-la-montre et n'ont plus assez de souffle pour parler, ou sont trop concentrés et n'entendent plus rien. Ils sont peut-être déçus de ne pas avoir été sélectionnés pour le Tour de France et s'entraînent durement pour la prochaine édition. Sans vouloir m'avancer, il doit y avoir une bonne part de rigolos qui ont déposé leur voiture au col et qui se contentent des 600 mètres de dénivelé du col mythique. Je ne demande pas d'engager une discussion, il y a autre chose à faire, mais juste d'échanger quelques mots. C'est trop demander.

Arrive le mémorial Henri Desgranges, en l'honneur du fondateur du Tour de France, puis le tunnel. Le col se situe 100 mètres au-dessus du tunnel, et il faut un kilomètre pour y accéder. Seulement 1 kilomètre, avec donc un pourcentage moyen de 10% ! Dur mais pas impossible.
Dans le dernier virage, à 300 mètres du sommet, un photographe professionnel prend tous les cyclistes. Je ne m'y attendais pas, pas plus qu'à l'Alpe d'Huez. J'accélère un peu, il y a une voiture derrière moi. Je suis à 180, je récupère le numéro de la série de photos.
Les 200 derniers mètres sont affreux: 12% d'après le profil du col. Je suis presque à l'arrêt, au-dessus de 180 pulsations. Mais au bout, il y a le col.
Ca y est, je l'ai fait, c'est fantastique ! Je n'étais jamais monté si haut à vélo. Je crois même que je ne suis jamais monté aussi haut à pied.

Il y a du monde là-haut. Je prends le temps de manger une barre, et je redescends.
Je n'aurai pas assez d'eau, je sais que le soleil va taper très fort et qu'il va falloir remonter après le Freney d'Oisans, mais peu importe, la journée est réussie, la descente sera prudente et le retour joyeux.
J'aurai même la chance de croiser les seconds couteaux de la Rabobank à l'entraînement, puis d'écouter le rugissement d'un moteur Ferrari dans le dernier tunnel: les sportives étaient de sortie en ce beau dimanche de juillet.

Col du Galibier (2645 m) (profil)

Col du Télégraphe (1566 m) (profil)

Le 23 Juillet 2006, départ à 7h30 de Saint-Michel-de-Maurienne (710 m)

Ce col est terrible.
Après avoir gravi le col du Galibier par celui du Lautaret en partant de Bourg d'Oisans, il me fallait le gravir par l'autre versant.
Inconsciemment, j'ai sans doute été quelque peu déçu par le versant Sud. Le Galibier est un grand col, un col difficile. J'ai oublié quel grand coureur cycliste disait que le col difficile, c'était celui dans lequel on souffrait. Or je n'ai pas vraiment souffert dans le Lautaret ni dans le Galibier. Le Lautaret est un col très roulant, les pourcentages sont faibles et l'on peut très bien le gravir sans forcer. Le Galibier, mis à part le dernier kilomètre après le tunnel, ne présente pas non plus de difficulté particulière: des pentes à 5, 6, 7%, rien d'extraordinaire à condition de bien gérer son effort.
L'ascension par le versant Nord est une autre paire de manches. Elle est unanimement reconnue comme le col goudronné le plus difficile de France métropolitaine. Qu'à cela ne tienne, j'aime la difficulté. De plus, je préfère quand ça grimpe à quand ça roule. Je le clame donc haut et fort: il m'a fallu 4 heures pour monter depuis Bourg d'Oisans, il m'en faudra moins depuis Saint-Michel-de-Maurienne, bien que le dénivelé total y soit légèrement supérieur.
On verra. Et... on a vu.

Départ à 7h30 de Saint Michel de Maurienne, altitude environ 700 mètres, temps splendide, fraîcheur matinale appréciable en cette période caniculaire.
La première difficulté du jour est le col du Télégraphe, 1566 mètres, qui se gravit en une douzaine de kilomètres, pour un pourcentage moyen d'environ 7%. Je n'ai pas fait le moindre sport depuis une semaine, et les premières pentes ne laissent pas le temps à la machine de chauffer. Autant dire qu'avec de pareilles conditions, je m'attendais à une mise en route difficile. Il n'en fût rien. La semaine dernière dans le col du Coq, il m'avait fallu de longs kilomètres pour trouver mon rythme. Aujourd'hui, tout semble plus facile. C'est de bon augure pour la suite.
Ce col est vraiment agréable: la montée se fait entièrement dans la forêt donc à l'ombre, et à flanc de montagne. Plus on monte et plus on est récompensé par une vue magnifique sur la vallée de la Maurienne.
Quelques cyclistes me doublent. Je prends quelques instants la roue d'un petit groupe, puis je les laisse filer. Les sensations sont bonnes, je place quelques accélérations et je sprinte même au sommet du col, sommet où je retrouve mon groupe de cyclistes en train de s'alimenter. Leurs femmes les suivent en voiture. Ah c'est plus facile comme cela, et moi avec mes 3 kilos d'eau... Malgré le poids je m'en sors plutôt bien.
J'ai oublié de déclencher le chrono au sommet, mais j'ai dû grimper en 1h15 ou 1h20: c'est un excellent rythme.

La descente vers Valloire me permet de me reposer et de redoubler un vélo qui m'avait dépassé dans le Télégraphe.
Cinq kilomètres plus loin c'est l'arrivée à Valloire, et la route remonte. D'abord doucement, puis beaucoup plus fort en direction des Verneys. Là, on est exactement à la même altitude qu'au sommet du Télégraphe. Sauf qu'entre temps, une demi-heure s'est écoulée ! S'ensuit un faux-plat de trois kilomètres. Quelques lacets et la route remonte pour s'élever, lentement mais sûrement, vers Plan Lachat.
Il commence à faire chaud mais je gère correctement mon effort. Le groupe de cyclistes me dépasse avant Plan Lachat, mais il a explosé: ils me doublent un par un et s'étalent déjà sur plusieurs kilomètres.

A Plan Lachat, une double surprise m'attend. D'abord, un panneau indique le col à 8 kilomètres. M'étant déjà fait avoir sur l'autre versant, je me doute que les 8 km correspondent au tunnel, et qu'il va falloir rajouter un kilomètre pour atteindre le sommet. La deuxième agréable surprise et que les jambes sont encore bonnes. Si ces 8-9 kilomètres sont les mêmes que par l'autre versant, je n'aurai aucune difficulté à atteindre le sommet.
A ce moment-là, j'ignore que je ne suis pas encore à 2000 mètres d'altitude (de l'autre côté, le Lautaret est déjà à 2058m). J'ignore aussi que c'est la partie la plus difficile qui m'attend: plus de 8% de moyenne, avec des passages à 10%. Rien à voir avec l'autre versant.
Ce que j'ignore surtout, c'est la défaillance qui m'attend.

La première rampe après Plan Lachat annonce la couleur. J'ai trop chaud, je bois. Des cyclistes me dépassent, mais je suis déjà ailleurs. Je me remets en danseuse mais pas pour longtemps: cela me demande trop d'efforts.
Une cycliste me suit, dix mètres derrière. Quelques lacets plus loin, je n'ai toujours pas trouvé mon rythme et je suis mal. Je ne sais pas si j'ai trop bu ou le contraire: les forces me manquent, mais mon ventre est ballonné. Je décide de ralentir le rythme pour faciliter la digestion. De 170 je descends à 160 pulsations. Sans surprise, la cycliste qui était derrière moi me dépasse.
A 160 ça ne va pas mieux. Le compteur tombe à 5 km/h par moments. L'idée de mettre pied à terre me traverse l'esprit. Puis j'arrive à me refaire une petite santé. Je me remets en danseuse et revient progressivement sur ma cycliste, qui s'arrête à la hauteur d'une ferme où l'on vend du Beaufort. Ce passage est un peu plus plat, il n'est pas question de s'arrêter pour s'alourdir d'un kilo de Beaufort, même au prix défiant toute concurrence de 13,20 euros.
La pente s'accentue à nouveau. Je suis toujours sur mon rythme ridiculement faible. La cycliste me redouble. Je fais le yo-yo et je recolle à 2 kilomètres du sommet, sans dépasser. Je la repasse toutefois à la faveur de son arrêt au tunnel.
Je ne comprendrai jamais ces cyclistes qui montent les cols par à-coups. C'est mauvais pour le coeur, qui doit à chaque redémarrage se ré-habituer à l'effort, et retrouver son rythme. De plus, au redémarrage le risque est grand de surestimer ses forces, parce que l'arrêt aura permis de retrouver de bonnes sensations, et de se mettre dans le rouge pendant quelques minutes, le temps de retrouver son rythme de croisière.

Il me reste à rejoindre le col, au-dessus du tunnel.
Contrairement à l'autre versant, ici c'est le tout début de la montée après le tunnel qui est le plus dur. Je suis debout sur les pédales mais je n'avance pas. Je ne voulais pas mettre pied à terre, mais à 4 km/h je vais y être contraint ! Il n'en est pas question: je lâche mes dernières forces.
Heureusement, la dernière portion est un peu plus roulante. Façon de parler: le panneau au sommet indique 10% pour ce côté, contre 12% pour l'autre côté...
Finalement, j'arrive au col pour quelques minutes de repos bien mérité. Il y a moins de monde qu'il y a une semaine. C'est sans doute l'effet Tour de France qui s'estompe.

Le début de la descente est froid et venté. A Valloire, j'aurai heureusement totalement récupéré de mes efforts, et le Télégraphe sera franchi aisément. La récompense du jour est la descente du Télégraphe: que du bonheur sur 12 kilomètres.

Voilà, je peux dire que j'ai franchi le col le plus dur de France, non sans douleur, mais sans mettre pied à terre. Et aujourd'hui, j'ai redécouvert que l'on pouvait souffrir sur un vélo, même en roulant à son rythme.
Finalement, l'ascension depuis Saint-Michel-de-Maurienne aura duré moins de 3h50, ce qui n'est pas si mal pour un "jour sans". Un jour je referai ce col, juste pour savoir si c'était vraiment un "jour sans". Mais je suis convaincu que le manque d'entraînement y est pour beaucoup: après 7 jours d'arrêt complet, mon corps ne s'attendait pas à devoir fournir un si gros effort, et n'a pas su mobiliser l'énergie correctement. Je reste persuadé que dans mon cas, un gros effort comme celui-ci doit être précédé d'un effort la veille ou l'avant-veille, suffisamment important pour mobiliser l'énergie, mais pas trop afin de laisser au corps temps de récupérer et de reconstituer les réserves.
Chaque montée apporte son lot d'enseignements. Et après une montée si difficile que le Galibier par le Télégraphe, il ne faut surtout pas se dire que l'on est capable de grimper n'importe quel col. On n'est jamais à l'abri d'une défaillance, même dans un col "facile". Sur un vélo, il faut savoir rester modeste.

Col du Sabot (2100 m) (profil)

Le 30 Juillet 2006, départ à 8h d'Allemont (720 m)

Col méconnu, le col du Sabot est pourtant le col routier le plus haut du département de l'Isère. C'est également le seul col du département à dépasser les 2000 mètres d'altitude, à très exactement 2100 mètres.
Si ce col est peu fréquenté, c'est d'abord parce que seul l'accès par le versant Sud est goudronné (depuis quelques années seulement). Le versant Nord est un sentier redescendant sur le barrage de Grand Maison, pour finalement rejoindre la route du col de la Croix de Fer.
Ensuite, la route est très étroite: à certains endroits, les voitures peuvent rencontrer des difficultés à dépasser ou croiser un cycliste.
Il n'est donc pas question d'inscrire ce col au programme d'une quelconque épreuve cycliste, à moins d'en juger l'arrivée quelques mètres avant le sommet. Le bitume s'arrête quelques mètres avant le panneau du col, et la route elle-même se termine brutalement après le panneau.

Cette ascension possède pourtant de nombreux atouts. Outre le fait de rajouter un quatrième "2000" à ma collection de cols, le plaisir se situe ailleurs. Les paysages sont grandioses et, à la différence des grands cols des Alpes qui sont de véritables autoroutes à vélos (et à voitures) les dimanches d'été, ici les traces de civilisation sont réduites au strict minimum. Peu de voitures (j'en ai compté une dizaine en plus de 2 heures), quelques randonneurs, et un unique cycliste croisé dans la descente. Ici, les spectateurs au bord de la route sont... les vaches ! Certaines ont même envahi la route pour m'encourager.
Tout cela n'est pas sans me rappeler mes bonnes vieilles routes menant au plateau ardéchois. A une différence notable près: ici, les paysages sont considérablement étirés dans leur dimension verticale.
En effet, la route monte ! Certes, pour un col, ce n'est guère surprenant, mais ici ça monte sec ! Les 21 lacets de l'Alpe d'Huez et sa pente moyenne à 8% font bien pâle figure à côté. Le col du Coq lui aussi, est bien timide: si ses pourcentages supportent la comparaison avec le col du jour, ce dernier est en revanche plus long. Depuis le croisement entre les routes menant respectivement au col de la Croix de Fer et à Vaujany, l'ascension du col du Sabot cumule pas moins de 1290 mètres de dénivelé sur 14,5 km, soit une moyenne de 8,9% !

La montée est régulière et commence très fort dès le début. Les quatre premiers kilomètres menant à la station de ski de Vaujany sont pénibles. Comme à chaque début d'ascension, il m'est difficile de trouver le bon rythme. Cela est dû à un manque d'activité physique. De plus, il faut arriver à se convaincre qu'à aucun moment, le compteur de vitesse ne pourra afficher deux chiffres...
Heureusement, j'ai enfourché la bicyclette à Allemont et la montée du barrage du Verney m'a permis de m'échauffer. Ou plutôt, de ne pas m'échauffer: je n'ai pas de chance avec Allemont, chaque fois que j'y passe à vélo, il s'y déroule une animation sportive. Lors de ma grimpée de la Croix de Fer, des circuits VTT partaient d'Allemont. Aujourd'hui, la route est coupée car c'est l'arrivée de la Mégavalanche: descente en VTT depuis un glacier de l'Alpe d'Huez situé à 3300 mètres, et arrivée à Allemont. Je suis donc détourné et au lieu de monter tranquillement les lacets du barrage, je dois emprunter une route casse-pattes qui monte dans le village.

Revenons à la montée vers Vaujany. La route s'élève vite et permet de contempler le lac du Verney. Dans Vaujany, la pente ne s'adoucit guère. La vue sur les Grandes Rousses et le tristement célèbre téléphérique de Vaujany permettent d'occuper l'esprit et d'atténuer la souffrance. Tout de même, ce téléphérique est impressionnant. Il enjambe la vallée pour rejoindre le premier pylône situé sur la montagne d'en-face, à plusieurs kilomètres.
Il faut faire attention à ne pas prendre la route qui descend vers le départ du téléphérique. C'est très tentant, mais la bonne route est celle qui monte. Il faut toujours se méfier des routes qui descendent, elles cachent bien leur jeu et en profitent pour vous faire remonter de plus belle juste après.
Un court, très court passage plat précède l'entrée dans La Villette. Il s'ensuit une route à très forte pente en direction du Collet de Vaujany. La grande satisfaction vient de la route dont le bitume est tout récent. Le petit train qui monte les touristes au Collet me dépasse. Au Collet, la route se sépare en deux. A gauche, une route goudronnée mais en mauvais état mène au col du Sabot: c'est celle-ci qui nous intéresse. A droite, la route se transforme très vite en un chemin qui mène au col du Couard.

C'est ici que commencent les réelles hostilités. A cet endroit, il ne faut manquer ni de forces, ni d'eau. La route est exposée plein Sud, et les arbres sont rares. Le nombre de criquets est impressionnant, je dois régulièrement faire des écarts pour éviter de leur rouler dessus.
Je tourne les pédales à 40 ou 50 tours par minute, quand ce n'est pas moins. A cette vitesse, il faut choisir le bon moment pour saisir le bidon d'eau et le porter à la bouche, sous peine de perdre l'équilibre avec une seule main au guidon !
Cette montée est finalement un très bon exercice de musculation. Les fortes pentent obligent à monter en force, et certains muscles travaillent plus que d'habitude. Le lendemain, j'aurai des légères courbatures.

Finalement, je gère la montée correctement et arrive au sommet sans faillir, et loin d'être épuisé comme je l'étais dimanche dernier au Galibier. Avec du recul, je me dis que ce jour-là, j'ai connu une vraie défaillance après Plan Lachat.
Aujourd'hui, tout est rentré dans l'ordre. Si la durée d'exercice n'est pas comparable (2h30 de montée aujourd'hui, contre 3h50 dimanche dernier), la déclivité, elle, l'est.
Arrivé au sommet du col du Sabot, la récompense ultime est la vue sur le lac de Grand Maison, et sur la route qui serpente vers le col de la Croix de Fer. Le temps est magnifique, il n'y a pas un souffle de vent ni un seul nuage dans le ciel, et quelle surprise lorsqu'en levant les yeux au-dessus du lac, je découvre le Mont Blanc !
Tous les paysages du jour auraient mérité une photo; malheureusement je ne prends jamais mon appareil lorsque je pars à vélo: il est un peu trop encombrant.

Je recommande vivement le col du Sabot: ce col est complètement différent de tous ceux que j'ai pu découvrir jusqu'à présent.
Toutefois, ce col ne doit pas être abordé à la légère. Il fait partie des 10 cols les plus difficiles de France. Rares sont les cyclistes du dimanche (dont je fais partie) qui sauront y emmener un plateau de 39 dents au sommet. S'il existe un col où le triple plateau s'impose, c'est bien celui-là.

Col de la Madeleine (1993 m) (profil)

Le 9 Août 2006, départ à 8h de La Chambre (473 m)

Le col de la Madeleine relie, tout comme le celui de l'Iseran, la vallée de la Maurienne à celle de la Tarentaise. C'est un col classé hors catégorie lors du Tour de France, dont les passages y sont fréquents.
Le versant qui nous intéresse ici est le versant Sud. La route part de La Chambre, commune de Basse Maurienne. Selon l'humeur du moment où selon la quantité de nuages accrochés à leurs montagnes respectives, en partant de La Chambre vous pouvez gravir deux cols: celui de la Madeleine et celui du Glandon. La route du premier monte dans le massif du Beaufortain. Pour rejoindre la route du second, il faut traverser la rivière de l'Arc puis remonter la vallée des Villards. Ces deux cols sont de difficulté équivalente: environ 20 kilomètres de montée pour une arrivée à un peu moins de 2000 mètres. En revanche, leurs profils sont différents. Notamment, l'ascension du Glandon se termine par deux kilomètres à plus de 10% de moyenne: comme on dit, il faut avoir gardé des forces sous la pédale !
La montée de la Madeleine est régulière, hormis quelques passages courts un peu plus pentus que la moyenne. Les derniers lacets, qui s'élèvent au-dessus de la station de sports d'hiver de Saint-François-Longchamp, constituent un final de 4 kilomètres sans réelle difficulté.
Mais avec 20 kilomètres à près de 8% de pente moyenne, la Madeleine mérite sa place parmi les plus grands cols des Alpes, et son ascension doit être prise au sérieux.

Un mystère subsiste à propos de l'altitude de ce col. L'altitude réelle de la route au niveau du col, selon l'IGN, est de 1993 mètres. Pourtant, le panneau du sommet indique 2000 mètres. Le 13 juillet 2005, le Tour de France franchissait la Madeleine, à 2000 mètres selon les organisateurs. Allez y comprendre quelque chose ! La Madeleine vaut bien ses deux mille mètres, mais elle ne les fait pas...

A 8 heures pétantes et après une heure et demie de voiture, j'entre dans La Chambre. J'ignore l'origine du nom curieux de cette commune, qui a en tout cas prêté son nom à une grande famille nobliaire savoyarde du onzième au dix-huitième siècle: les Seigneurs de La Chambre, dont il reste une demeure, la Tour, à La Chambre, et un château en ruines à Notre-Dame-du-Cruet.
A cette heure, il y a déjà plusieurs cyclistes qui se préparent sur le parking, dont deux Italiens que je reverrai plus tard. Le temps est mauvais. Après la forte canicule de la deuxième quinzaine de juillet, les températures ont fortement baissé. Ce matin, Belledonne était complètement dans les nuages, seules les crêtes de la Chartreuse étaient dans la ouate, et en Maurienne la route menant à la Madeleine m'a semblé être le coin le plus dégagé. Il fait 14 degrés en bas: je m'inquiète pour en haut.

C'est parti. Sans surprise, la route monte tout de suite vers Saint-Martin-Sur-La-Chambre. Et sans surprise, j'ai encore une fois du mal à trouver mon rythme. La route monte en lacets, d'abord courts puis de plus en plus longs, avec une pente assez régulière mais forte.
Les deux Italiens vus sur le parking de La Chambre me dépassent à un bon rythme. Le deuxième parle au premier et il a l'air essouflé: il a dû partir trop vite. Un autre cycliste me double comme une fusée. Il grimpe en danseuse et n'est pas pressé de se rasseoir. Je me demande bien pourquoi certains cherchent encore désespérément une selle confortable, puisqu'on peut rouler sans !

Au kilomètre 7,5 la route s'élève encore un peu plus. Je me dresse sur les pédales pour relancer la machine. Il me faut faire des efforts. Bizarrement, un kilomètre plus tard, après ce passage négocié plus rapidement, je me sens enfin mieux. J'ai enfin trouvé mon rythme. Il aura fallu 45 minutes !
Je trouve même que mon rendement est élevé. En effet, mon compteur indique une vitesse supérieure à 8 km/h, alors que le profil du parcours n'indiquait pas un pourcentage inférieur à 8% à cet endroit. Dans mon état de forme habituel, sur des montées de longue durée, c'est-à-dire sans trop dépasser les 165 pulsations cardiaques par minute, je n'arrive à dépasser les 8 km/h sur du 8% que dans un bon jour. Aujourd'hui est un bon jour: la fraîcheur améliore sensiblement mon rendement, et j'ai pas mal roulé ces derniers jours.
Le chrono de la montée confirmera cette impression: ma vitesse moyenne d'ascension sera de 680 m/h, ce qui est effectivement bien supérieur aux 640 m/h qui correspondent à 8 km/h sur 8%.

A la sortie d'un virage je découvre mon cycliste italien en ligne de mire, celui qui était essouflé, sans son collègue. Il s'est arrêté et est en train de repartir. Il repart lentement puisque je le reprends quelques centaines de mètres plus loin, juste avant l'entrée dans Saint-François-Longchamp 1450 si mes souvenirs sont bons. Attention à ne pas se tromper de route à cet endroit: la route du col fait une épingle sur la gauche.
Jusqu'à Saint-François-Longchamp 1650, la route monte à moins de 7%. Mon Italien se refait une santé et me repasse. Il prend une centaine de mètres d'avance, jusqu'à Saint-François-Longchamp 1650 où la route est déviée pour cause de travaux. La déviation est bien indiquée mais la route qu'il faut prendre redescend un peu, ce qui a dû le surprendre. Je n'hésite pas, et il me suit sur une route de qualité déplorable et humide. Toute la station est visiblement en travaux; au retour et sur ce même passage, je croiserai une énorme grue.

Au-dessus de Saint-François-Longchamp, ce sont les quatre derniers kilomètres. En temps normal, j'aurais dû voir un changement radical dans le paysage: disparition de la végétation, apparition d'alpage et de pistes de ski. Mais aujourd'hui, au lieu de ça, je rentre dans le brouillard. C'est un brouillard léger que le vent déplace très vite. Je remarque juste des télésièges à certains virages.
Les virages se font rares. Comme dirait l'autre, notre route est droite mais la pente est forte. En fait, elle n'est pas si forte que ça. Je suis sur un rythme élevé, plus près de 170 que de 165 pulsations. Je me sens bien (sinon je ne pourrais pas tenir à ce rythme) mais je grimace. Je sais que le sommet n'est pas loin. Je n'arrive plus à tenir en danseuse mais il me faut changer de position pour mon dos. Je jette un coup d'oeil derrière de temps en temps: mon Italien est distancé au fil des kilomètres. Cela fait bien longtemps que je n'ai pas distancé un cycliste dans l'ascension d'un grand col, ce cycliste fut-il une cycliste.

Le sommet arrive plus vite que prévu, étant donné que je pensais avoir fait un long détour dans Saint-François-Longchamp. Au loin dans le brouillard, j'aperçois le panneau du col. J'enclenche le 42x21 et me dresse sur les pédales pour sprinter. Au sommet, un doigt sur le chrono et je n'en peux plus: c'était le sprint de trop. Quelques mètres de plus et je devais me rasseoir avant le sommet !
A cause du froid, je n'ai pas dû boire assez, et donc m'alimenter assez. Quelques minutes et la fraîcheur revient. J'ai franchi le sommet en un peu moins de 2 heures et 15 minutes: un quart d'heure de mieux que mes prévisions.

La descente sera moins froide et moins dangereuse que ce que je craignais, même si certains virages sont relevés et que j'ai accroché deux fois mon dessous de pédale droite en relançant en sortie de virage...

Trilogie de la Chartreuse

Col de Vence (781 m) (profil)

Col de Palaquit (1154 m) (profil)

Col de Porte (1326 m) (profil)

Col du Cucheron (1140 m) (profil)

Col du Granier (1134 m) (profil)

Le 15 Août 2006, départ à 13h de Gières (220 m)

Cette boucle au départ de Grenoble comporte trois grands cols de la Chartreuse, franchis dans l'ordre suivant: Porte, Cucheron, Granier. Elle fait une bonne centaine de kilomètres (exactement 104 depuis Gières), pour un dénivelé positif que j'évalue à 2100 mètres environ.
Il s'agit donc d'une balade relativement longue et qui nécessite un minimum de préparation.

Le premier col du jour est le col de Porte, gravi au départ de La Tronche, commune limitrophe de Grenoble.
Nous sommes l'après-midi, il fait beau et chaud, malgré la fraîcheur du matin: cette nuit la température est descendue en dessous de 10 degrés, ce qui est rare pour un 15 août. Ces conditions ne me sont pas favorables car je crains les fortes températures. Ce premier col est donc un test pour la suite: soit je souffre, et dans ce cas il sera plus sage de redescendre au point de départ, soit la balade se poursuit. C'est le col le plus difficile de la boucle puisqu'il s'agit de l'ascension initiale: il cumule plus de 1100 mètres de dénivelé.
Le col de Porte a tenu toutes ses promesses. En été, cette route est un véritable four. Si j'ai parcouru les premiers kilomètres sans trop souffrir de la chaleur, il n'en a pas été de même pour la suite. Le col de Vence à lui tout seul est déjà difficile, et pourtant il ne se trouve qu'à mi-parcours du col de Porte ! Certains passages avoisinent les 10% de pente. Mes réserves d'eau diminuent très rapidement.
A partir du col de Vence, la route est bordée d'arbres qui, bien que le soleil soit à son apogée, procurent un peu de fraîcheur. La pente s'assagit enfin. Kilomètre après kilomètre, la lassitude se fait sentir, sans pour autant me décourager. Je franchis le col de Palaquit, puis enfin le col de Porte après presque 2 heures 15 minutes d'effort.
Après un bilan de forme et quelques barres de céréales, je décide de poursuivre l'aventure.

La montée du col de Porte est orientée plein Sud, et donc la descente est... plein Nord. Et il y fait froid. Le contraste est saisissant. Les premiers lacets sont techniques, la suite roule bien. La descente se termine à la Diat, où il faut tourner à droite en suivant la direction de Saint-Pierre-de-Chartreuse.

La montée vers Saint-Pierre-de-Chartreuse remet tout de suite les pendules à l'heure, et vient rappeler que nous sommes en montagne.
Mais en ce 15 août, la surprise ne vient pas de la pente mais de la monstrueuse file indienne de voitures ! J'ignorais que c'était un jour de fête à Saint-Pierre. La file est ininterrompue depuis la Diat jusqu'à Saint-Pierre. Il me faut slalomer entre les voitures pour avancer. A plusieurs reprises, je dois m'arrêter. Finalement, j'arrive à Saint-Pierre où la route principale est fermée. Il me faut rejoindre la route du Cucheron par une petite rue qui casse les jambes.
Une fois sorti de la foule et de l'ambiance festive, le col du Cucheron est indiqué à 4 kilomètres. En fait, c'est un peu moins, et heureusement car cette montée est un calvaire. Je suis obligé de forcer pour avancer: la pente est terrible, la route n'en finit pas de monter. Par chance, le ciel s'est voilé et il fait moins chaud que dans le col de Porte.
Arrivé au sommet, je m'arrête une deuxième fois pour manger et faire un inventaire de l'eau... et des forces. Le bilan est plutôt positif.

Le dernier col de la journée est le col du Granier, au profil bien différent des deux précédents: la pente est moins forte. Je prends donc mon temps.
Au sommet, la route se sépare en deux: tout droit elle redescend sur Chambéry, et à droite elle rejoint la rive droite de l'Isère à Chapareillan.
C'est cette dernière que j'emprunte. La descente est technique, la route est étroite est la pente très forte. De plus, le bitume est granuleux et fait tressauter le vélo. Cette route doit être très difficile dans le sens de la montée.

Arrivé à Chapareillan, il ne reste plus qu'à poursuivre en direction de Grenoble, sur la N90. Sur ce trajet, j'ai l'habitude de rejoindre l'autre rive de l'Isère à Tencin, par un pont à voie unique de circulation.
En tout, il y a plus de 40 kilomètres jusqu'à Gières. Je lutte contre un vent du Sud de plus en plus fort, et qui apporte la pluie. Je dois même accélérer le rythme dans les derniers kilomètres pour éviter la pluie. Je ne prends que quelques gouttelettes. Un quart d'heure après être arrivé, il pleuvait à grosses gouttes.

Il m'aura fallu 6 bonnes heures pour achever ce périple très agréable, malgré la chaleur du début. C'est ma plus longue sortie à vélo. Cette trilogie de la Chartreuse permet de découvrir les principaux sommets de la Chartreuse, et d'admirer les paysages pittoresques et spécifiques à ce massif des Alpes. Sur le parcours, on peut notamment contempler successivement Chamechaude, le Charmant Som, le Grand Som, les gorges du Guiers Vif, la montagne du Granier.

Col du Glandon (1924 m) (profil)

Le 18 Août 2006, départ à 14h de La Chambre (473 m)

Le col du Glandon relie la Maurienne à la vallée de la Romanche, Saint-Etienne-de-Cuines à Rochetaillée.
Les occasions de gravir ce col depuis la Maurienne sont nombreuses: en venant de la Tarentaise par le col de la Madeleine, du Grésivaudan par le col du Grand Cucheron, ou encore du col du Galibier.
Cette route est encore plus fréquentée depuis que la descente du col de la Croix de Fer est fermée à la circulation pour cause de travaux. En effet, pour rejoindre la Maurienne depuis le col de la Croix de Fer, il faudrait grimper un col de plus: le col du Mollard. Autant rejoindre la route du Glandon qui elle, redescend directement dans la vallée.

La montée depuis la Maurienne peut être décomposée en deux moitiés de longueur équivalente, mais de dénivelés très différents. La première moitié est relativement facile jusqu'à Saint-Colomban-des-Villards. La deuxième est beaucoup plus ardue, et les deux derniers kilomètres en lacets sont terribles.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes: les dix premiers kilomètres d'ascension correspondent à 630 mètres de dénivelé, les dix suivants à 820 ! Et les deux derniers kilomètres en cumulent à eux seuls plus de 200.

Me voilà donc à 14h au départ de la Chambre en Savoie, avec le Glandon en guise d'objectif du jour. Ayant gravi la Madeleine une semaine auparavant, je sais que le Glandon ne devrait pas me poser plus de difficultés à condition de conserver quelques forces pour les derniers lacets.
A un détail près: les conditions météorologiques sont complètement différentes. La semaine dernière, il faisait frais et humide. Aujourd'hui, il fait chaud et à l'heure du départ le soleil est à son zénith. C'est un choix délibéré: ce matin il ne faisait pas beau et les routes étaient encore humides. En règle générale, je ne supporte pas très bien la chaleur: elle réduit mon efficacité, accélère ma fatigue et complique l'hydratation.

Les premiers kilomètres sont donc caniculaires. Heureusement, les passages en forêts sont nombreux et j'essaye d'en profiter au maximum. Heureusement encore, les premiers kilomètres ne sont pas trop pentus: moins de 7%.
Au final, je parviens à la fois à me rafraîchir correctement et à prévenir d'éventuelles fatigues en faisant de réguliers passages en danseuse. Il n'y a pas de recette miracle: je roule à un train de sénateur, à une fréquence cardiaque qui correspond davantage à celle d'un individu en quête de perte de poids, que celle d'un sportif. Cette fréquence n'aurait pas été possible il y a de cela encore quelques semaines. Les kilomètres accumulés ces derniers temps me permettent aujourd'hui d'arriver à rouler tranquillement pendant plusieurs heures sur des pentes ne dépassant pas les 8%. Ce sera décisif pour l'étape du jour, puisque je le rappelle la première cause de fatigue précoce pourra être la chaleur.

La première dizaine de kilomètres m'emmène de Saint-Etienne-de-Cuines à Saint-Colomban-des-Villards. La route est assez mauvaise, et la pente plutôt irrégulière et imprévisible, tantôt s'élevant en lacets au-dessus d'un torrent, tantôt cheminant dans une forêt de feuillus.
C'est sans grande difficulté que je parviens à me hisser jusqu'à l'entrée de Saint-Colomban-des-Villards.

A Saint-Colomban-des-Villards, la route est presque plate pendant deux kilomètres. C'est à la sortie du village que la situation se complique. La pente s'accentue progressivement: d'abord 7%, puis des passages à 9% pendant 3 kilomètres. Les arbres se font de plus en plus rares pour laisser place à des alpages. Les seuls moments de répit sont les quelques ponts qui enjambent des torrents, dont celui du Glandon: en règle générale la route y est assez plate mais sur de très courtes distances. Les paysages sont grandioses.

L'ascension du Glandon ne serait pas si difficile sans ces fameux deux derniers kilomètres. Tout se complique lors d'une épingle vers la gauche. A ce moment-là, en levant la tête je devine les derniers lacets menant au col. C'est impressionnant: il reste 240 mètres de dénivelé, en seulement 2 kilomètres. On se croirait véritablement dans les premiers virages après Plan Lachat, dans le Galibier. En moins long, mais en encore plus pentu. Il ne faut pas compter sur les arbres pour trouver un peu de fraîcheur: ils ont disparu du paysage.
La tâche est rendue encore plus compliquée par un vent violent qui me fait face un lacet sur deux. J'avance lentement mais sûrement. Trois cyclistes étrangers me doublent: ils ont l'air de piocher et respirent très fort. Ils ne me distanceront que d'une centaine de mètres.

J'augmente progressivement mon effort jusqu'au sommet. Au dernier moment, je découvre le col en ligne de mire. Je franchis le col debout sur les pédales: contrairement à mon ascension de la Madeleine, aujourd'hui il me reste des forces pour un sprint. Malgré la chaleur: mon corps est définitivement imprévisible.
Il m'aura fallu un peu plus de 2 heures 30 minutes pour accrocher ce nouveau col à mon tableau de chasse. Rien n'est venu contrarier mon ascension: ni la chaleur, ni les fortes pentes dans le final, ni la fatigue consécutive à la grosse sortie d'il y a trois jours. Une bonne journée, en somme.

N'étant pas très loin du col de la Croix de Fer, je me permets la fantaisie de le rejoindre. C'est un régal: par rapport aux rampes à 10 ou 11% que je viens de franchir, les 3 kilomètres qui relient le col du Glandon à celui de la Croix de Fer semblent presque plats ! Pourtant, il y a tout de même 6%...
Si c'est un régal, c'est aussi parce que je suis déjà passé par ici il y a deux mois, lorsque j'avais gravi le col de la Croix de Fer par son versant Sud. C'est inoubliable parce que c'était mon premier 2000. J'avais terriblement souffert sur ces mêmes trois derniers kilomètres: après deux heures et demi d'ascension les forces m'avaient manqué et j'avais dû baisser le rythme.
Aujourd'hui, c'est tellement plus facile ! Pourtant, j'ai avalé à-peu-près le même dénivelé pour arriver jusque-là. C'est l'entraînement qui fait la différence, et quelle différence ! Cette progression est très motivante, c'est en grande partie grâce à elle que je monte et remonte sur mon vélo à l'assaut de montées toutes plus dures les unes que les autres.

Après un court arrêt au col de la Croix de Fer, je repars dans l'autre sens, par là où je suis monté.
Dans mes récits, je conte longuement les montées et rarement les descentes. S'il y a une descente qui mérite quelques lignes, c'est bien celle du Glandon. Cette descente est très dangereuse et doit être abordée encore plus prudemment que n'importe quelle autre descente. La route est étroite et tourne beaucoup: il n'est pas toujours facile d'y voir une voiture arriver en face, sachant qu'à de nombreux endroits deux voitures se croisent difficilement. Les ravins sont profonds et une chute y serait fatale. Pas question, donc, de faire des écarts inconsidérés pour éviter les nombreuses irrégularités de la route ou pour prendre un virage trop large. Pas question, non plus, de faire une pointe de vitesse.
De plus, les lacets proches du sommet sont très pentus, et le vent y souffle fréquemment en rafales.
Si vous n'êtes pas encore convaincus, sachez que l'épreuve cyclosportive la Marmotte descend chaque année le Glandon (depuis que la route de la Croix de Fer est en travaux), et que chaque année il y a des accidents graves, parfois mortels...

Cormet de Roselend (1968 m) (profil)

Col du Méraillet (1605 m) (profil)

Col du Pré (1703 m) (profil)

Le 31 Août 2006, départ à 14h de Beaufort-sur-Doron (740 m)

Le Cormet de Roselend est un coin pittoresque des Alpes, en partie grâce au lac artificiel du même nom. Au fond du lac repose le village de Roselend, englouti en 1959 lors de la mise en eau du barrage.
Nous sommes en plein Beaufortain, où l'on produit le gruyère de Beaufort.

En cette après-midi ensoleillée, j'ai décidé de gravir ce col depuis le village de Beaufort, situé à 740 mètres d'altitude environ. J'aurais pu partir d'Albertville, mais je ne regrette pas mon choix car la route Albertville-Beaufort est dangereuse pour les vélos, avec de nombreux virages sans visibilité pour les voitures. De plus, j'envisage de faire le tour par le col du Pré, ce qui représente déjà une balade conséquente.

Au départ du parking de Beaufort, c'est l'heure du repas et les touristes pique-niquent. Il y a du vent, alors que la météo n'en annonçait point. Ca souffle même assez fort. Peut-être est-ce habituel dans la vallée du Doron.

Le début du parcours s'effectue à l'ombre, dans la vallée très encaissée du Doron, accompagné par l'agréable musique de ce torrent. C'est le défilé d'Entreroches. Je démarre sur un rythme tranquille car la pente le permet, avant d'appuyer davantage sur les pédales aux alentours du troisième kilomètre, la pente s'accentuant légèrement (autour de 8%).
L'arrivée à un camping marque le début d'un kilomètre beaucoup plus calme. La route est toujours ombragée.
Après le camping, un virage à droite marque le début d'une série de lacets assez courts, et tout de suite très pentus: près de 10% pour le premier. Progressivement, la route s'élève au-dessus du défilé, permettant de découvrir d'un côté d'immenses montagnes, et de l'autre le hameau du Bersend situé sur un plateau tout vert. Les arbres sont toujours présents, mais à cette heure il n'y a guère d'ombre.
La montée se poursuit avec des pourcentages plus raisonnables: autour de 8%.

Finalement le col du Méraillet arrive plus vite que prévu. Lorsqu'une route part sur la gauche vers le barrage de la Gittaz, le col est tout proche et la pente plus facile. Au col, mon compteur affiche 1h20 ou 1h25, je ne sais plus.
Le paysage change radicalement puisque l'on arrive au lac de Roselend, que l'on va contourner sur deux gros kilomètres en légère descente. Le temps d'observer la chapelle de Roselend, reconstruite au bord du lac, et de lever les yeux vers les montagnes légèrement enneigées. A cet endroit, on ne peut pas encore apercevoir le col.

Puis la route s'élève au-dessus du lac. J'ai le temps de saluer quelques vaches. Les jambes commencent à être lourdes, et l'altitude diminue mon efficacité. Un méchant passage à plus de 9%, certes pas très long, me contraint à me remettre debout sur mon vélo.
Le paysage est dénudé, je passe quelques cascades. Le sommet se fait languir. J'arrive au refuge du Plan de Lai, un peu au-dessus de 1800 mètres. Il reste encore 3 kilomètres, mais la pente est de moins en moins forte.
Le final est même très roulant. Me voilà au sommet, après exactement 2 heures et 2 minutes d'ascension. Je prends le temps de manger un peu, sans trop me refroidir: malgré le soleil, il ne fait pas très chaud, le vent souffle à nouveau, les promeneurs sont habillés chaudement.

La descente est agréable, et finalement pas trop froide. Arrivé au lac, il faut remonter vers le col du Méraillet et ce n'est pas si facile. Oui, il faut appuyer sur les pédales. Quel sport fatigant !
Au col, au lieu de redescendre directement à Beaufort, je me dirige sur la gauche comme prévu, en direction du col du Pré, d'où l'on m'a promis une vue magnifique.
La route commence par redescendre, puis j'emprunte les 800 mètres de route du barrage de Roselend, pour enfin entamer les lacets du col du Pré. Il n'y a que deux kilomètres de montée, mais qu'est-ce que ça monte ! On dépasse les 10% par endroits. J'ai tout le temps d'admirer la Pierre Manta, le Mont-Blanc qui est tout proche et légèrement dans les nuages, et le lac de Roselend vu d'en haut.
La fin est un peu plus facile, et on arrive à 1727 mètres d'altitude, soit 24 mètres au-dessus du col, que l'on atteint après une courte descente.
Au col, je laisse filer quelques voitures: sachant la descente très pentue et très technique, je souhaite descendre tranquille. De plus, la route est très étroite.
On est loin de la descente du col du Sabot, mais celle-ci n'est pas de tout repos pour les freins de ma monture. Après quelques lacets, la vue est superbe sur la région d'Arêches-Beaufort, les immenses collines environnantes et les routes en lacets les parcourant. Je ne regrette pas mon détour.

Après quelques lacets supplémentaires, je redescends sur Beaufort où m'attend la voiture. Cette balade aura duré 3 heures, pour 46 kilomètres parcourus. Je pense que je n'avais jamais vu autant de paysages différents en une seule sortie. Le Beaufortain est certainement l'un des plus beaux endroits des Alpes.

Col du Grand Cucheron (1188 m) (profil)

Le 14 Octobre 2006, départ à 13h de Gières (220 m)

Le col du Grand Cucheron permet de relier le Haut Grésivaudan à la Basse Maurienne, La Rochette à Epierre. En partant de la Rochette, la route remonte la Vallée des Huiles en passant notamment par le village du Bourget-en-Huile. Le nom de cette vallée n'est pas lié aux ruisseaux et torrents qui y coulent, mais aux aiguilles qui l'entourent: la signification local du mot hüile est aiguille.
Le col du Grand Cucheron traverse la chaîne des Hurtières, dont on peut longer les crêtes à pied, et découvrir le col du Petit Cucheron.

Le Grand Cucheron fait partie de ces cols que je ne sais pas par où aborder. Sa relativement faible altitude (moins de 1200 mètres) ne suffit pas à justifier un déplacement en voiture jusqu'à Goncelin, Pontcharra ou La Rochette: le trajet restant à faire à vélo serait trop court.
Par contre, si je ne me rapproche pas en voiture, le trajet devient alors trop long depuis Gières, d'autant plus qu'il y aurait plus de 40 kilomètres presque plats avant d'arriver à la Rochette. Je trouve les parcours plats plus fatigants que les montées, tant physiquement que psychologiquement. Seules les montées m'intéressent. J'ai conservé un mauvais souvenir des 40 kilomètres face au vent pour revenir de Chapareillan, lors de ma traversée de la Chartreuse cet été.
Quand je décide de rajouter un col à ma collection, j'ai également le soucis de partir le plus bas possible. Je suis de ceux qui pensent qu'avoir grimpé le Galibier en ayant garé sa voiture au Lautaret ne présente aucun intérêt, et surtout pas celui de pouvoir dire qu'on a fait l'ascension du Galibier. Ce serait usurper la légende de ce col mythique.
A ce sujet, je n'ai pas encore grimpé l'Iseran. Dans mon esprit, le point de départ côté Maurienne se situe à Saint-Michel-de-Maurienne, autour de 700 mètres d'altitude. Pourquoi Saint-Michel ? Tout simplement parce qu'il s'agit également du point de départ du Galibier par Valloire. Commencer l'ascension à Lanslebourg, autour de 1200 mètres d'altitude, ne me semble pas très honnête.

J'ai finalement décidé de grimper le Grand Cucheron en partant de chez moi, à Gières. En nombre de kilomètres, ce sera ma sortie la plus longue de tous les temps (125).
Ici il faut préciser que j'effectue cette sortie hors saison. Je suis bien loin de ma forme du mois d'août: depuis un mois et demi, je ne roule que le week-end. Et encore, pas tous les week-ends. Malgré tout, 125 kilomètres, avec peut-être 1500 mètres de dénivelé, je dois pouvoir y arriver.

Je pars un peu avant 13 heures. J'estime la durée de la sortie à 5 ou 6 heures. Il ne faut pas traîner: à 19h il fera nuit.
La première partie du parcours consiste à rejoindre Pontcharra sur un parcours essentiellement plat (et donc lassant). A Brignoud, c'est la fête foraine, la route principale est coupée et il me faut faire un détour. J'ai la mauvaise idée de suivre un vélo qui prend un sens interdit.
A Pontcharra, il faut tourner à droite, en direction de La Rochette. La route n'est plus complètement plate: on quitte la vallée pour s'élever vers la vallée des Huiles.
Arrivé à La Rochette, après plus d'une heure et demie de route, les sensations sont mauvaises. La vitesse m'a asséché les yeux, et la lassitude se fait sentir. J'ai des doutes quant à ma capacité à grimper le col. Attendons de voir ce qu'il en est réellement. Je prends la direction de la vallée des Huiles.

La route s'élève violemment au-dessus de la Rochette. Je prends le temps de trouver mon rythme, et comme souvent, ma forme s'arrange lorsque ça monte !
Le reste de la montée, du moins jusqu'aux Granges (à 4 kilomètres du col), est une succession de montées plus ou moins difficiles et de passages plats voire descendants. Un petit groupe de cyclos de Goncelin me double. Ils ne vont pas beaucoup plus vite que moi, mais je suis à ce moment-là en léger sur-régime. L'un des cyclistes porte le maillot de l'Ardéchoise. Ils ont un signe particulier en commun: leurs cheveux blancs. Ah, si j'avais autant de temps pour rouler et m'entraîner, je n'aurais pas à lutter contre cette forme médiocre 11 mois sur 12...

La vraie montée ne commence qu'à moins de 4 kilomètres du col, au lieu-dit les Granges. Et je ne suis pas déçu: certains passages dépassent les 10% ! Cela fait du bien, ce type de pourcentage me manquait depuis plus d'un mois. La montée est d'autant plus agréable qu'à ma grande surprise, je n'ai aucun mal à l'affronter. A mon rythme.
Le dernier virage en épingle est impressionnant. Il est très large, avec un dénivelé impressionnant.

Arrivé en haut, je m'arrête quelques minutes pour manger. En pleine forêt, il fait humide et froid, et le vent souffle assez fort. Je profite de la vue sur la vallée de la Maurienne. Je savoure cet instant. Le Grand Cucheron est certes beaucoup plus modeste que, par exemple, le col de la Madeleine qui se trouve en face (1993 mètres). Cependant, je n'aurais jamais cru rallier la vallée de la Maurienne depuis Gières à la force des pédales. Voilà qui est fait.

Les premiers kilomètres de la descente sont glacials. Coïncidence ou non, les jours suivants je souffrirai d'un gros rhume, chose plutôt rare en ce qui me concerne.
Le retour s'effectue par la même route, toujours coupée à Brignoud. J'avale les kilomètres sans réfléchir: c'est la seule solution pour ne pas se lasser ni se fatiguer. La nuit commence à tomber au fur et à mesure que les minutes passent après 18 heures.
J'arrive à Gières à 18h40, heureux mais crevé, après 125,8 km et 5h45 de route. Ma traversée de la Chartreuse avait duré un quart-d'heure de plus. Pour une sortie hors saison, ce n'est finalement pas si mal !

Col de l'Iseran (2764 m) (profil)

Col du Mont-Cenis (2083 m) (profil)

Le 21 Juillet 2007, départ à 7h de Lanslebourg (1399 m)

C'est pour ce genre de sortie, ce type de sensations, que je roule depuis plusieurs mois. Une sortie comme celle-là suffit à justifier les mois passés à gravir des cols, les dizaine d'heures passées sur le vélo, et les quelque 40 kilomètres de dénivelé positif accumulés depuis janvier, subissant des conditions météorologiques et des états de forme variables.

Cette balade germait dans mon esprit depuis un an. Après l'ascension du Galibier en 2006, l'Iseran s'imposait naturellement comme le prochain défi, dans le domaine du réalisable. Les neiges du mois d'août 2006 en Haute-Maurienne, dès 1500 mètres, m'avaient contraint à repousser l'ascension à plus tard.
L'Iseran est, avec le col de la Madeleine déjà franchi en 2006, l'un des deux cols reliant la Maurienne à la Tarentaise. A près de 2770 mètres d'altitude, il a la particularité d'être le plus haut col routier d'Europe. Pour un cycliste pratiquant le vélo de route en montagne, parvenir à gravir ce col est donc particulièrement gratifiant.

A défaut d'être le col le plus difficile de France, l'Iseran est sans doute le plus long.
Par le versant Nord, en partant de Bourg-Saint-Maurice à 800 mètres d'altitude, il faut rouler 48 kilomètres sur une route dont les pourcentages n'impressionnent guère. L'ascension vers la station de Val-d'Isère est usante et les multiples tunnels routiers ne contribuent pas à faire de cette montée l'une des plus agréables qui soit.
Le versant qui nous intéresse aujourd'hui est le versant Sud. En partant de Saint-Michel-de-Maurienne à 720 mètres d'altitude, l'ascension par ce côté est encore plus longue que par le versant Nord: 76 kilomètres. Le point de départ n'est pas choisi au hasard: il s'agit également du départ de la montée du Galibier par le Télégraphe, au confluent du torrent la Valloirette et de la rivière Arc.

En ce samedi matin, j'ai choisi de laisser de côté les 43 kilomètres qui séparent Saint-Michel de Lanslebourg. Je gare donc ma voiture à 1400 mètres d'altitude, devant la gendarmerie de Lanslebourg, là où la route du col du Mont-Cenis rejoint celle de l'Iseran.
Je suis parti de chez moi peu après 5 heures et il faisait encore nuit noire, signe d'un épais plafond nuageux. En remontant la vallée de la Maurienne vers 6 heures, des nuages bas étaient accrochés aux montagnes, à tel point qu'il était même impossible d'apercevoir le col du Grand Cucheron. Même constat pour la Madeleine et le Glandon. Je prends même quelques gouttes de pluie vers Modane. La météo ayant annoncé des éclaircies, je reste confiant.

Si j'ai choisi d'enfourcher le vélo à Lanslebourg, c'est pour ajouter non pas un, mais deux nouveaux deux mille à ma collection de cols. Le premier col du jour serait le Mont-Cenis, puis je reviendrais à mon point de départ avant de partir pour le col de l'Iseran. Le dénivelé positif total serait alors de 2200 mètres, ce qui, compte tenu de mon entraînement et de ma forme, est tout à fait raisonnable et réalisable.

Peu après 7 heures, je quitte donc Lanslebourg en direction du col du Mont-Cenis en guise d'échauffement. Ce col est bien un vrai col avec 700 mètres de dénivelé, et une heure d'ascension. Mais par rapport à ce qui m'attend par la suite, je dois le considérer comme un échauffement. Et il s'y prête particulièrement bien: les premiers kilomètres sont plutôt doux avec moins de 6% de moyenne.
Les trois quarts de la montée consistent en six lacets très longs, chacun dépassant un kilomètre de longueur. Cette montée n'est donc pas faite pour les impatients, d'autant plus que le paysage n'a rien de pittoresque et que la route, très large, est en mauvais état. En hiver, cette route est fermée et une partie fait office de piste de ski. Le col du Mont-Cenis n'est pourtant pas particulièrement élevé: il n'est guère plus haut que le col du Lautaret. C'est son fort dénivelé, à flanc de montagne, qui rend difficile son déneigement.
Les hostilités commencent vraiment à la fin du septième kilomètre, avec un court passage à plus de 10%. Le sommet arrive finalement très vite, après 59 minutes d'ascension. Je profite un instant de la vue sur le lac (artificiel) du Mont-Cenis, puis décide de redescendre. Il fait encore assez froid, et la mauvaise qualité du bitume diminue le plaisir de la descente. Bien que déserte un samedi matin à 7h, cette route est très fréquentée, ce qui explique en partie ce piteux état.
De retour à la voiture, je m'accorde une courte pause pour enfiler un second petit déjeuner et échanger les bidons. Définitivement, le col du Mont-Cenis n'est pas intéressant par ce versant. Un autre jour je gravirai le versant Italien depuis Suse, à l'occasion d'un aller-retour Lanslebourg-Suse-Lanslebourg. Aujourd'hui, je me contente de cette courte ascension qui me permet de valider un nouveau col, et surtout, un nouveau col dépassant les deux mille mètres: 2083 exactement.

Une fois ce long échauffement terminé, à 8h15 commence le gros morceau du jour: le col de l'Iseran.
Lanslebourg est habituellement considéré comme le point de départ de l'ascension du versant Sud. Cependant, le trajet comprenant une douzaine de kilomètres de route presque plate remontant la vallée de l'Arc, il est également possible de partir de Bonneval-sur-Arc, à près de 1800 mètres d'altitude. L'ascension qui s'ensuit représente déjà un défi en elle-même, mais il serait tellement dommage de se priver du petit col de la Madeleine...
Dans la plupart des stations de ski, l'arrivée de l'été est l'occasion de faire toutes sortes de travaux: des routes, des habitations, etc. Lanslebourg-Mont-Cenis ne déroge pas à la règle, et la montée vers Lanslevillard est l'occasion de tester la stabilité de mon vélo sur une route largement recouverte de gravillons déposés par les camions de passage. Il faudra se méfier au retour, en descendant.

Après Lanslevillard commence l'ascension du petit col de la Madeleine. Rien à voir avec le col de la Madeleine qui culmine à 1993 mètres, celui-ci ne compte que 4 kilomètres d'ascension. La principale qualité de ce col (en fait, il n'est pas certain que ce passage réponde bien à la définition de col) n'est donc pas sa longueur, comme vous l'aurez compris, mais sa pente qui peut surprendre. Les deux premiers kilomètres ont une pente moyenne de 9,5% et se terminent par 500 mètres à plus de 11% ! Je n'irais pas jusqu'à comparer ce passage au final du Glandon côté Maurienne, même si les chiffres m'y autorisent, mais il est important de ne pas le sous-estimer au risque d'y laisser de précieuses forces.

La descente de la Madeleine est courte: pas plus d'un kilomètre. Plus qu'une descente, il s'agit plutôt d'une cuvette: on perd 60 mètres d'altitude en 2 kilomètres, pour les reprendre sur les deux kilomètres suivants. Attention: ça grimpe à nouveau.
A l'approche de Bessans la route devient presque plate, en quasi ligne droite sur 8 kilomètres.

A un peu plus d'une heure de Lanslebourg, je m'arrête quelques instants à Bonneval-sur-Arc pour m'alimenter. Que la fête commence !
Je traverse la rivière Arc en danseuse et dépasse un couple de cyclistes, pour finalement me rasseoir et chercher le bon rythme. Je n'ai aucune difficulté à le trouver. Le premier lacet est long: 2 kilomètres à plus de 8%. Bien calé sur le pignon de 24 dents, les sensations sont excellentes et j'ai l'impression que je pourrais rouler des heures comme cela. J'ai pourtant déjà mille mètres de dénivelé positif dans les jambes. Le temps est désormais au beau fixe, il n'y a presque pas un seul nuage dans le ciel. La température ne doit pas être très élevée, mais le soleil tape déjà très fort. Je décide donc de ne pas forcer l'allure plus que nécessaire.
Le deuxième lacet est un peu plus usant. Un passage à 9% m'oblige à enclencher le pignon de 28 dents, avant d'aborder un premier replat d'un kilomètre environ. Je n'aime pas les replats: ils cassent le rythme et précèdent souvent une pente encore plus forte.
C'est exactement ce qui se passe ici. Je me cale dans le rythme d'un cycliste qui roule une centaine de mètres devant moi. En fait, je monte un peu plus vite que lui. Il effectue de longs passages en danseuse, ce dont je ne suis pas capable aujourd'hui: il me faut conserver un rythme constant. Malgré cette constance, les kilomètres à 9 et 10% s'enchainent et s'avèrent terriblement usants. Le soleil et la chaleur ne facilitent guère la tâche.
Non sans mal, j'arrive au pont de l'Oulietta pour aborder un bon kilomètre à 3%. Mon cycliste, que j'ai finalement rejoint, semble profiter du replat pour souffler un peu. Je le dépasse afin d'éviter un nouveau changement de rythme qui pourrait hypothéquer mes chances d'atteindre le col. Ah, j'ai oublié de dire que depuis le premier replat de tout à l'heure, après les deux premiers lacets, nous étions entrés dans le Parc national de la Vanoise. Je dois avouer que si j'ai mis à profit le peu de répit que m'a laissé la pente pour observer le paysage, en revanche concernant l'étude de la faune et de la flore environnantes, il faudra repasser. Je trouve de toute façon le soleil beaucoup trop écrasant pour pouvoir apprécier la splendeur du paysage. A moins que la violence de l'effort m'ait brouillé la vue.

Après ce second replat, il reste 3 kilomètres d'ascension à 9% de moyenne. Brusquement, je dois baisser le rythme. Peut-être que les trois heures et demi déjà passées à pédaler ne sont pas étrangères à ce manque de forces soudain. Peut-être est-ce aussi l'effet conjugué du soleil et de l'altitude.
Pour les 3 kilomètres restants, ce ne sont donc pas les jambes qui vont pédaler, mais la tête. Dans le Galibier en 2006, j'ai fait les 8 derniers kilomètres comme ça, sans mettre pied à terre. Aujourd'hui, ce ne sont pas 3 kilomètres qui vont m'impressionner.
J'attaque épuisé le dernier lacet, le regard dans le vide. Un automobiliste arrêté au bord de la route a dû s'inquiéter quant à mon état physique, voire mental. Mais non, j'étais encore bien là, sur mon vélo, à grimper l'Iseran, avec simplement un visage un peu défiguré par l'effort.
Enfin, le voilà ! Un virage à droite et voici le panneau du col le plus haut d'Europe. La grande fatigue laisse alors place à une immense joie, comme à chaque ascension, mais aujourd'hui encore plus intense que jamais compte tenu de l'importance du défi et des souffrances qu'il a engendrées.

Au col, et seulement au col, souffle un vent assez fort. Dommage qu'il n'ait pas soufflé plus tôt, il m'aurait sans doute aidé à mieux supporter le soleil.
Je mange un bout et attaque la descente. La température est idéale. Dans la remontée de la Madeleine, il me sera à nouveau impossible de hausser le rythme. Après cinq heures de vélo et 2200 mètres de dénivelé positif, ce n'est pas si surprenant. Finalement, peu importent les sensations: je rentre avec un nouveau col dans la besace, et pas n'importe lequel.
Aurai-je l'occasion, un jour, de franchir un col routier à plus de 2770 mètres d'altitude ? Rien n'est moins sûr...

Col d'Izoard (2360 m) (profil)

Le 1er Août 2007, départ à 8h de Guillestre (1030 m)

L'Izoard fait partie de ces cols mythiques régulièrement gravis par les coureurs du Tour de France depuis des décennies. Pourtant bien plus accessible que le col du Galibier par Valloire, le dénivelé du Galibier étant deux fois supérieur à celui de l'Izoard, il mérite le détour pour au moins deux raisons. La première est le paysage magique de la Casse Déserte à deux kilomètres du sommet côté Queyras. La seconde est la raideur des pentes, susceptibles de décourager plus d'un cycliste.

Il y a un grand nombre de cols à gravir dans le Briançonnais, et plus au Sud dans le Queyras et le Mercantour, tous à plus de 2000 mètres: Izoard, Granon, Agnel, Vars, Allos, Cayolle, Bonette. L'Izoard étant le plus proche de Grenoble et le plus connu d'entre eux, il est assez logique que je commence par celui-ci.

J'enfourche le vélo peu après 8h à Guillestre. Le soleil inonde déjà les Alpes du Sud: ça va transpirer dans la montée. L'horaire est tardif mais je n'ai pas le choix: il m'a fallu franchir le col du Lautaret avant d'atteindre Briançon, puis rejoindre Guillestre par la vallée de la Durance.

Les 15 premiers kilomètres consistent à remonter la vallée du Guil: c'est la combe du Queyras. Il s'agit donc pour l'essentiel d'une succession de faux-plats montants propices à l'échauffement puisque la pente reste très légère: la route ne grimpe que de 200 mètres sur une dizaine de kilomètres. Il y a deux tunnels à traverser prudemment, l'éclairage y est obligatoire.

Peu avant la bifurcation de Château Queyras, la pente s'accentue: on entre dans le vif du sujet. Puis il faut couper la route sur la gauche en direction du col. Les premières pentes sont irrégulières, alternant des passages à 8 ou 9 pourcents et d'autres plats voire légèrement descendant.

Il faut attendre le sixième kilomètre après la bifurcation de Château Queyras pour recontrer les premières véritables difficultés du col d'Izoard. L'entrée dans le village d'Arvieux marque en effet le début d'une longue ascension en quasi ligne droite: 4 kilomètres avec de longues portions à 10 pourcents de moyenne, jusqu'au village de Brunissard.
Cette montée s'effectue avec le soleil dans le dos. Je gère mon effort et dépasse même quelques vélos.

Au-dessus de Brunissard débute une succession de lacets qui vont nous conduire en 5 kilomètres à la fameuse Casse Déserte.
A la différence des kilomètres précédents, il est désormais possible de trouver un peu d'ombre par endroits. La pente est très régulière à 9%, et les têtes d'épingles permettent de souffler un peu.
J'arrive très bien à imaginer combien ces lacets peuvent d'avérer terriblement usants si vous avez laissé trop de forces dans les passages à 10% qui précédaient. Si j'avais un conseil à donner, ce serait de ne pas emmener un trop gros braquet à la sortie d'Arvieux, puis dans La Chalp. De toute manière, un grand col ne doit jamais être sous-estimé, et surtout pas l'Izoard!
La chaleur et l'altitude commencent à faire baisser mon rendement, mais je continue à gérer correctement l'effort.
Un Italien me dépasse et me demande si c'est encore loin. Je réponds trois à quatre kilomètres. Oui, mais peut être les plus difficiles.
Je salue trois Anglais dans trois Boxster décapotés.

Quelques lacets plus loin, le changement de décord est total: voici la Casse Déserte. On sort de la forêt. Tout d'un coup, il n'y a presque plus d'arbres et le paysage est désertique.
La route descend sur quelques centaines de mètres pour longer la Casse Déserte, puis remonte à l'occasion d'une sévère rampe, au terme de laquelle se trouve un photographe. Pratique pour faire de jolies photos avec la Casse Déserte en paysage de fond, mais pas idéal pour faire un joli sourire.

A cet endroit, il reste moins de deux kilomètres, toujours dans ce même style de pente très régulière... et très prononcée. A partir de la Casse Déserte, on aperçoit très distinctement le sommet de l'ascension. Il convient donc de s'armer de patience pour ces derniers lacets: s'il vous reste quelques forces ils ne doivent pas vous poser de problème.

Après un ultime virage à gauche, voici le sommet du col. Il m'aura fallu un peu moins de 2 heures 30 depuis le départ à Guillestre, et un peu plus d'1 heure 30 depuis le croisement de Château Queyras. Le chrono est correct compte tenu des forces qu'il me reste au sommet.
Car je m'attendais à pire. Je pensais souffrir bien davantage dans ce col devancé par sa réputation. A 14h et sur un rythme d'étape du Tour de France, ce doit être différent. Mais aujourd'hui, bien calé dans mon rythme, cette montée était plutôt facile. Rien à voir, en tout cas, avec le calvaire des derniers kilomètres de l'Iseran il y a dix jours. Mais le contexte était différent, la sortie plus longue, l'altitude plus forte.

La descente aurait pu être fort agréable si je n'avais pas dû m'arrêter à plusieurs reprises à cause d'un grincement suspect dans le roulement de la roue avant de ma monture. Je descends donc au ralenti, de peur que la roue se bloque. Finalement, le bruit cesse au bas de la descente. Cela ne suffit pas à me rassurer, et j'irai m'acheter une nouvelle paire de roues le lendemain même. Ces roues d'origine, des Rigida Vela 2003 avec roulements Shimano, auront roulé 9000 kilomètres. Ce n'est pas énorme mais c'était visiblement du matériel d'entrée de gamme. L'occasion de monter une paire de roues Mavic Aksium Race 2007. Avec du recul et quelques centaines de kilomètres plus tard, je suis pleinement satisfait de mon investissement.

Dans la combe du Queyras, je suis rejoint par un groupe de 4 cyclistes. L'un d'entre eux assurera un relai phénoménal face au vent et sur plusieurs kilomètres. Je prends le relai suivant: 175 pulsations pendant de longues minutes. Cela démontre que je suis loin d'avoir épuisé toutes mes forces dans l'Izoard! Au retour de l'Iseran, je n'avais pas pu dépasser les 160 pulsations.

Mont Ventoux (1912 m) (profil)

Le 12 Août 2007, départ à 9h de Bédoin (300 m)

Le Mont Ventoux est souvent surnommé le Géant de Provence. Je lui ajouterais un qualificatif: le Géant capricieux de Provence. Car, plus que sa hauteur, c'est davantage sa météo changeante, le vent très fort qui y souffle, et le caractère désertique des derniers kilomètres de son ascension qui font sa difficulté.

Une fois n'est pas coutume, je voudrais tordre ici le cou à une idée reçue.
Quarante ans après Tom Simpson, cette semaine un cycliste, un touriste, est mort dans l'ascension du Mont Ventoux. Et il paraît que les accidents cardiaques sont fréquents dans cette montée.
Est-ce que cela est la conséquence d'une montée particulièrement inhumaine ? Non. Je ne le pensais pas avant, et je ne le pense toujours pas après l'avoir effectuée.
C'est tout simplement le résultat de l'inconscience de certains individus qui abordent l'ascension sans préparation physique adaptée, sans protection contre le soleil, sans s'hydrater correctement, sans s'alimenter correctement, ou encore avec du matériel inadapté (par exemple, des développements trop grands).
Car contrairement à ce que j'ai pu entendre sur les ondes, de la bouche du président d'un cyclo club du Vaucluse, non, le Ventoux n'est pas plus difficile qu'un col comme le Galibier. Le Ventoux (1912 mètres, 21 kilomètres, 1600 mètres de dénivelé positif) fait bien pâle figure à côté du Galibier (2645 mètres, 35 kilomètres, 2100 mètres de dénivelé positif).
Pourquoi alors y a-t-il tant d'accidents ? D'abord parce que le Mont Ventoux est très fréquenté, et c'est un euphémisme. Pour l'avoir gravi un dimanche d'août, ce mont est une véritable autoroute à vélos. Qui dit plus de vélos, dit potentiellement plus d'accidents. Ensuite, parce que le Ventoux règne en maître dans sa région. Il n'y a pas plus difficile dans un rayon de 100 kilomètres. Quand on est en vacances dans la région, le Mont Ventoux représente le défi idéal, le passage obligé, la sortie de vélo que l'on va raconter à ses amis au retour des vacances. « Comment, tu étais en vacances dans la région, et tu n'es pas monté au Ventoux ? ».
Les Alpes, c'est très différent, le relief y est partout très accidenté. Quand on part en vacances dans les Alpes, que ce soit pour y marcher où y faire du vélo, on sait donc à quoi s'attendre.
Pour conclure ce paragraphe de manière constructive, il convient donc de rappeler quelques règles élémentaires à appliquer lorsque l'on souhaite gravir le Ventoux ou tout autre col à vélo:

• partir le plus tôt possible, avant que le soleil ne tape trop fort, et éviter à tout prix de commencer l'ascension en début d'après-midi,
• ne pas partir si l'on n'a pas l'habitude de produire 2 heures d'effort de haute intensité,
• se protéger du soleil, surtout la tête,
• beaucoup s'hydrater. Un tel effort requiert de boire au minimum 1 litre d'eau par heure, voire beaucoup plus en plein soleil quand il fait chaud.

Une fois assimilés ces principes de base, vous pouvez prendre du plaisir sur votre vélo sans risque pour votre santé.

Cette escapade cycliste vauclusienne a débuté aux alentours de 9 heures du matin, à Bédoin. Heure tardive une fois de plus, mais elle aurait dû commencer une heure plus tôt. Sort jeté par le Ventoux ou simple coïncidence, la voiture a décidé d'interrompre son éclairage peu après 5 heures du matin sur une petite route où il faisait évidemment nuit noire. Il a donc fallu attendre patiemment le lever du jour pour repartir.
Pour poursuivre sur le registre automobile, si vous venez du Nord et que vous désirez commencer l'ascension à Bédoin, vous passerez certainement par Malaucène et vous devrez alors emprunter la petite route du col de la Madeleine (encore un!).

La montée par Bédoin est l'une des trois routes permettant d'accèder au sommet du Mont Ventoux. Par ordre de difficulté croissante, il y a la montée Est au départ de Sault, qui rejoint la route de Bédoin au niveau de Chalet-Reynard, puis les montées Ouest depuis Malaucène et Bédoin.
La montée par Sault est sans aucun doute la plus simple des trois car elle débute plus haut (760 mètres) et ne comporte aucun kilomètre à plus de 6,5% avant Chalet-Reynard.
Les difficultés respectives des montées par Bédoin et Malaucène sont en revanche plus contestables. Malaucène est un peu plus haut que Bédoin (380 mètres contre 300), mais la montée par Malaucène comporte également son pesant de passages à 10%. Pour trancher, la montée depuis Bédoin, orientée plein Sud, laisse craindre plus de souffrances que la montée depuis Malaucène, plein Nord.

Me voici donc en plein échauffement dans les premiers kilomètres de la route qui s'élève au-dessus de Bédoin. Etant donnée l'heure tardive, il y a un nombre incroyable de cyclistes. Certains me dépassent, j'en double d'autres. Chacun cherche son rythme. Parmi ceux qui me dépassent, il m'est aisé de distinguer ceux qui sont déjà au-dessus de leurs forces et que je rejoindrai plus loin, de ceux que je ne reverrai pas.

Et puis il y a ce fameux virage de Saint-Estève où il faut se résigner à laisser de côté les gros braquets. Adieu les 4, 5, 6%, bienvenue aux 9, 10, 11%: 850 mètres de dénivelé en 9 kilomètres jusqu'à Chalet-Reynard, soit 9,5% de pente moyenne. Le point positif, c'est que ces 9 kilomètres s'effectuent dans la forêt, donc en grande partie à l'ombre.
Je monte comme un véritable Diesel, entre 160 et 165 pulsations, ce qui est assez élevé. En général, monter ainsi ne me réussit pas: kilomètre après kilomètre, en croyant m'économiser, en pédalant régulièrement, en ne levant jamais les fesses de la selle, je finis par être tellement imprégné par ce faux rythme qu'il m'est finalement impossible de fournir davantage d'efforts lorsque cela devient nécessaire, et la conservation de la position assise pendant plusieurs heures entraîne des fatigues musculaires précoces.
Je joue donc au yo-yo avec les autres vélos: je me laisse décrocher à un rythme modéré, puis au bout de 5 à 10 minutes je me mets en danseuse, 175 pulsations, et je refais mon retard. Ce petit jeu dure environ une heure.

Chalet-Reynard commençait à se faire désirer, le voilà en ligne de mire. Un groupe de cyclistes y est arrêté, certainement en provenance de Sault, ils me doubleront peu après.
Les deux kilomètres après Chalet-Reynard sont un peu moins pentus, et la difficulté des trois kilomètres qui suivent reste raisonnable: 7 à 8%. J'ai toujours la grande forme, même si la chaleur commence à se faire sentir. Je ne fais plus de passages en danseuse car la faible pente ne s'y prête pas tellement et je préfère garder des forces pour le dernier kilomètre.
Un jeune en VTT, accompagné par toute sa famille dans deux voitures, monte au même rythme que moi. A deux kilomètres du sommet, il réduira considérablement l'allure et je ne le reverrai pas.

Au niveau de la stèle Tom Simpson débute le final du Ventoux. J'ai énormément de chance: un nuage a décidé de trôner au-dessus du sommet et il fait plutôt frais. Il n'y a pratiquement aucun vent, ce qui est assez rare au sommet du Mont Ventoux. Aujourd'hui, le col des Tempêtes (1829 mètres) porte mal son nom.
Un photographe professionnel est là pour prendre quelques milliers de clichés des quelques centaines de cyclistes qui se présenteront devant lui en ce dimanche d'août. Il m'annonce le sommet à 500 mètres. A cet instant, je ne le crois pas et imagine le sommet à plus d'un kilomètre. Pourtant, 600 mètres plus loin, je parviens au sommet après un ultime et terrible virage à droite abordé en danseuse. Les derniers mètres du Galibier côté Lautaret étaient cependant plus difficiles.
Le début de la descente sera glacial, et peu agréable à cause des innombrables voitures, motos, qui montent, qui descendent, des vélos qui doublent d'autres vélos, des voitures qui dépassent des vélos et des vélos qui dépassent les voitures...

J'ai eu beaucoup de chance avec la météo. Grimper le Ventoux par fort vent du Nord ou sous une chaleur écrasante doit certainement être une toute autre affaire.
Honnêtement, je dois dire que je m'attendais à plus dur. Les deux derniers kilomètres ne valent pas les deux derniers kilomètres du versant Nord du col du Glandon. Les neuf kilomètres en forêt, à près de 10% de moyenne, sur une route en parfait état, sont moins pénibles que les usantes portions à plus de 11% du col du Sabot, sur route abîmée.
Il n'en reste pas moins que le Mont Ventoux mérite d'être grimpé au moins une fois dans une vie de cycliste, même s'il laissera peut-être sur leur faim les habitués des routes des Alpes...