En ce samedi 12 juillet, je devais normalement participer au BRM 400 montagneux organisé par Jean-Philippe. Le seul petit problème, c'est que le parcours franchit les cols du Galibier et de l'Iseran, à plus de 2600 m d'altitude, et que depuis une semaine, c'est presque l'hiver en plein mois de juillet... J'ai anticipé et annulé ma participation jeudi, et Jean-Philippe a finalement décidé d'annuler ce brevet jeudi soir.
Heureusement, j'avais une roue de secours suite à un commentaire d'Olivier sur mon précédent article: aujourd'hui est organisée la grimpée de Chamrousse au départ d'Uriage, par le Grenoble Métropole Cyclisme 38. Je suis friand de ce genre d'effort et je débute tout juste dans le domaine des courses chronométrées. En fait, le départ de cette course se fait en peloton, contrairement aux deux grimpées précédentes auxquelles j'avais participé et qui étaient des contre-la-montre individuels. C'est mon premier exercice du style. Les deux épreuves sont très différentes, j'y reviendrai.
Nous sommes donc samedi et je décide d'enfourcher le vélo vers 8h avec sur moi tout ce qu'il faut pour m'inscrire. La course part à 9h30.
Je commence par une petite montée au-dessus de chez moi pour m'assurer que les vitesses 30x28, 30x24, 30x21 passent bien et sont stables. En effet, j'ai remplacé ma chaîne en début de semaine et, à cause de la météo, n'ai pas pu tester le résultat depuis. C'est la cinquième chaîne avec la même cassette, mais à ma grande surprise aucun réglage n'est nécessaire et les vitesses passent parfaitement, même mieux qu'avec la chaîne précédente. En fait, cela fait quatre mois que les vitesses n'ont pas aussi bien passé, depuis la chute idiote de mon vélo (et de mon vélo seul) au départ du BRM 200, et qui a légèrement tordu la patte de dérailleur. Bref, les réglages sont au top. Étape suivante: rallier Uriage en espérant qu'il n'y pleuve pas...
Et là, ce n'est pas gagné. Dès la combe de Gières il commence à bruiner, puis à Uriage il pleut franchement. Les gouttes d'eau s'accumulent sur mes lunettes, mais je repère facilement le point de rassemblement. Eh oh, ça va pas non ? Tu ne vas tout de même pas monter là-haut dans ces conditions ? Il pleut à Uriage, qu'est-ce que ça va être là-haut ? Et puis, il faudra redescendre aussi.
J'écoute ces sages pensées et je passe devant le point de rassemblement sans m'arrêter. Je tourne un peu dans Uriage. D'autres cyclistes en font de même pour s'échauffer. Un compétiteur s'est installé sous un abribus pour faire du home trainer (!). Eux, sont venus en voiture à Uriage, la voiture les accompagnera jusqu'au sommet puis leur permettra de redescendre sans se geler. Eux, sont venus pour gagner, avec du matériel hors de prix. Je suis venu pour me faire plaisir, rouler à mon niveau, et éventuellement réaliser une bonne performance à mon niveau.
Quelques allers-retours plus tard, je m'arrête près du point de rassemblement. OK, je vais rentrer, au bilan de la matinée je mettrai un aller-retour à Uriage et un vélo dégueulasse. Super. Ce serait un peu fou de s'inscrire. Cela dit, la température me convient bien. Un grain de folie plus tard, je me retrouve devant un organisateur à demander s'il est encore possible de s'inscrire. En effet, il est neuf heures passées, et la course part à 9h30. Hop, je tends mon bulletin d'inscription rempli hier soir, mon certificat médical, mes quinze euros (dont cinq seront reversés à la Ligue contre le cancer), et récupère en échange un bidon vide offert par le sponsor, et mon dossard numéro 44. Je vais porter un dossard pour la première fois. Les fois précédentes, c'était des plaques de cadre.
Il reste un quart-d'heure avant le départ. J'enfourne mon produit dopant à moi: un tube de crème de marrons. Mine de rien, le temps de m'inscrire je me suis refroidi. Mes allers-retours dans Uriage ne suffisent pas à me réchauffer. Je fais le plein d'eau (un bidon), et entame la montée de Chamrousse par l'autre côté, ce qui finit un peu par me réchauffer.
A 9h28 je termine mon échauffement et rejoins le point de départ. Nous ne sommes pas nombreux. Les numéros de dossard ne dépassent pas 50, et il me semble que l'on est moins que cela: peut-être que certains pré-inscrits ne sont pas venus.
Nous recevons les consignes: on roule 300 mètres groupés, jusqu'au panneau stop, puis un coup de sifflet donnera le départ, et ensuite il ne faudra pas couper les virages, il ne faudra pas couper les virages, il ne faudra pas couper les virages. OK, on ne coupera pas les virages.
Et c'est parti !
Je suis à ma place: en queue de peloton, ou presque. Sur les 300 mètres qui ne font pas partie de la course, ça grimpe. Je traîne un peu, puis j'essaye de rejoindre la tête de la troupe, craignant que le départ soit donné avant que tout le monde soit arrivé. C'est ce qui se produit.
Sur les premiers mètres, je fais bien attention devant moi, derrière moi, sur les côtés, car même en queue de peloton ça risque de frotter. Du coup, je ne m'en rends même pas compte mais ça grimpe vite. J'avais anticipé en passant le petit plateau. Puis je rentre dans ma bulle et essaye de trouver mon rythme, ce que je réussis rapidement.
Pendant un certain temps, je vais doubler, et parfois peut-être me faire doubler aussi. Il faut aussi dépasser les vélos électriques partis peu avant nous: des convalescents du centre médical Rocheplane.
Quand je double, je double franchement. Cela me rassure: je ne suis pas à fond. Puis, au fil des kilomètres, cela devient de plus en plus difficile de doubler. Normal: je rattrape des participants qui roulent à peu près à mon rythme. La visibilité est mauvaise, et de loin j'ai du mal à voir si je rattrape un coureur ou un convalescent.
Devant, je vois un petit jeune qui se retourne. Ce n'est pas bon de se retourner aussi tôt. Oups, je l'ai pensé à voix haute. Je le rattrape et, contrairement à mes dépassements précédents, il reste dans ma roue. Il cherchait peut-être simplement un peu de compagnie. Par la suite, je l'appellerai: le Jeune.
Un peu plus loin, un peu avant Prémol je crois, une féminine nous rattrape à vive allure. Je décide d'attraper sa roue et y parvient; c'est aussi l'intention du Jeune. Nous sommes maintenant trois: la Féminine, le Jeune et moi.
Je surveille mes arrières et vois qu'un petit groupe n'est pas loin. L'arrivée à Prémol est plus pentue et je distance quelque peu mes camarades, de même que sur la très courte descente qui suit. Sachant que la suite de profil me convient moins, je laisse, consciemment ou inconsciemment, le groupe de trois se reconstituer. Ils m'aideront sur les portions plus roulantes. Je suis maintenant en queue du petit groupe. J'ai l'impression que ça temporise un peu. Peu de temps après, le petit groupe qui roulait derrière nous, ou du moins une partie de ce groupe, nous rejoint. Je reconnais le maillot d'un membre du cyclo-club de Gières: je l'appellerai le Gièrois.
Là, il y a un problème. Ça vient de rentrer derrière, j'ai l'impression que je suis en-dessous de mon rythme naturel, et en plus je viens de me faire enfermer dans le groupe. Je fais mon possible pour passer devant et emmener le groupe... sur les portions plus roulantes. Je devine à cet instant que j'ai fait une erreur pour le classement, et que ces forces dépensées à l'avant pourront me faire perdre trois places. Sauf que je ne suis pas venu pour le classement: je suis venu pour faire un chrono, et j'ai donc besoin de rouler à mon rythme, là, tout de suite.
Le chrono, je m'en serai bien peu soucié tout le long. A Prémol, j'ai bien calculé ce qu'il me restait à faire, mais je n'ai pas mesuré ce que je venais de faire. Je n'écoute que mes sensations et elles sont bonnes. Comme d'habitude, je respire fort, je fais parfois des grimaces mais je ne suis jamais dans le rouge. Je me mets parfois en danseuse, mais ce n'est pas une nécessité comme lors de la reconnaissance du 20 juin dernier où j'avais eu, au-dessus de Prémol, la sensation que le sang n'arrivait plus dans la jambe droite.
Des voitures nous doublent. Toujours les mêmes en fait: ce sont les mêmes qui nous encouragent au bord de la route à intervalles réguliers. Merci à eux.
Une portion plus roulante va arriver: après une série de lacets relativement courts au-dessus du Luitel, il y en a un beaucoup plus long et plus roulant. Là, je baisse le rythme et laisse faire mes camarades. Sauf que je me fais légèrement distancer. Je me dis que je me referai la cerise avant l'Arselle, là où ça grimpe davantage. Rien du tout. Ils ont dû accélérer. J'essaye bien de hausser le rythme dans cette portion, je reviens petit à petit, mais je ne veux pas me mettre dans le rouge.
Après l'Arselle, je poursuis mes efforts, mais à l'approche du panneau Chamrousse 1750 je me fais à l'idée que je ne les rattraperai pas. Il n'y a personne derrière, je décide donc de terminer sur le même rythme plutôt que de me cramer inutilement. Je vois que le Gièrois et le Jeune ont légèrement distancé la Féminine, puis le Jeune semble terminer au sprint devant le Gièrois. Je dois arriver moins d'une minute derrière.
Sur la fin de la montée, il y avait déjà des camping-cars installés pour le passage du Tour de France vendredi prochain. Ils m'ont applaudi et encouragé, je les ai remerciés.
L'arrivée est matérialisée par un portique au niveau de l'arrivée de vendredi prochain, et la police municipale de Chamrousse fait la circulation. Le brouillard est dense. Le speaker commente mon arrivée, lit mon numéro de dossard, mais n'annonce ni mon nom, ni mon temps, ni mon classement: surprenant. De même pour les autres concurrents.
Il faut que je redescende vite avant de me refroidir. C'est donc mon GPS qui me donnera, dans un premier temps, mon temps de montée...
Je redoute cette descente. Le freinage est mou, la pluie est dense, le brouillard bien présent. J'encourage les participants que je croise. J'avais enfilé mes manchettes et mon imperméable au sommet, si bien que je n'ai pas trop froid. Mais comme je suis trempé de partout, la sensation de froid est bien là. Je dépasse un participant, arrêté dans la descente, qui fait des mouvements pour se réchauffer...
Ouf, j'atteins finalement Uriage sans encombre, et à Gières il ne pleut plus.
La trace GPS donnera le verdict: je suis monté en 1:11:20 environ, là où le 20 juin j'avais mis 1:16:45. La différence est monstrueuse, et pourtant je considérais ma grimpée du 20 juin comme une performance.
La température y est sans doute pour quelque chose. Mon entraînement, peut-être aussi. La course en ligne, très certainement. En effet, sur la première partie, j'ai été fortement motivé par le fait de rattraper les cyclistes que j'avais en ligne de mire. Par la suite, j'ai trouvé un bon groupe qui m'a aidé à maintenir un rythme soutenu. Sur un contre-la-montre, c'est très différent: mes seuls repères sont le chrono (si j'ai pris préalablement des points de repère) et mes sensations. Et les sensations sont parfois trompeuses.
Concernant la gestion de la course, donc pour le classement final, elle n'a pas été optimale. Dans mon groupe de quatre, le Jeune en a visiblement gardé sous le pied tout le long (peut-être après avoir constaté qu'il ne parvenait pas à suivre le groupe de tête ?), pensant faire l'effort juste avant l'arrivée, ce qu'il a fait et réussi. OK. En revanche, la Féminine et le Gièrois ont clairement accéléré par paliers tout au long de la montée. Je me souviens les avoir dépassés vers le début, puis ils sont revenus sur moi pour finalement me distancer. Je ne pense pas avoir faibli, ce qui semble confirmé par la trace GPS, sauf dans le dernier kilomètre lorsque j'ai compris que je ne les rattraperais pas (mais sur ce dernier kilomètre, j'ai fait tout de même mieux que le 20 juin).
Enfin, je dois dire que sur une grimpée avec départ groupé, le temps passe beaucoup plus vite que sur un contre-la-montre. Le 20 juin, seul dans cette montée, j'avais bataillé contre moi-même pendant plus d'une heure et quart: que le temps m'avait semblé long ! C'est important sur une montée aussi longue, car en effet, pour moi, maintenir ce niveau d'effort plus d'une heure, c'est difficile. J'ai plutôt l'habitude de produire mes efforts sur des montées de 25 à 40 minutes.
Ce record personnel ne me surprend pas plus que cela: c'est son ampleur qui me surprend. Les montées d'entraînement que j'ai faites ces dernières semaines ont montré une grosse progression par rapport à l'an dernier. Mon objectif est d'améliorer mon temps dans la montée du Benas, dans un peu plus d'un mois. Sur le papier, c'est largement possible. Mais j'avais été très fort l'an dernier.
Dans mon calendrier, j'ai coché également la grimpée de Lans-en-Vercors (peu probable: il faudrait y aller en voiture), la prise de la Bastille (très peu probable après mon essai de samedi dernier: c'est un exercice de spécialistes, il faut savoir grimper en force, ce que je n'ai pas encore appris à faire), la grimpée de Prapoutel (probable), celle de Murianette (pour réaliser une vraie performance contrairement à l'an dernier), et enfin celle de Montaud. Si vous en connaissez d'autres dans le coin, ça m'intéresse. Je sais qu'il y a traditionnellement le Saint-Eynard la veille de la Bastille mais je ne l'ai pas encore vu sur les calendriers. La grimpée qui manque vraiment au calendrier, c'est celle du Luitel, alors si un responsable de club lit ces lignes, sait-on jamais... pour 2015 ou plus tard, j'attendrai s'il le faut.
Relativisons ma performance du jour en constatant que le vainqueur est arrivé plus de 20 minutes avant moi ! Mes vitesses ascensionnelles, d'après Strava, sont autour de 1050 à 1100 m/h. Rien d'extraordinaire pour mon gabarit de grimpeur. Mais il n'y a pas si longtemps, quand je tenais 700 m/h sur une heure c'était déjà très bien. Ma première montée de Chamrousse, en 2003 et par ce versant, m'avait pris plus de 2h15, à comparer à 1h11 aujourd'hui, et mon record de 2010 doit tourner autour de 1h30. Oui, il est possible de faire des chronos pas trop mauvais quand on a attendu 27 ans pour se mettre au sport un peu sérieusement, et oui, on peut encore progresser à 35 ans. Vive le vélo !
Un clin d’œil à Olivier Buisson, que j'aurais bien aimé côtoyer sur ces grimpées, qu'il a dominées pendant des années, et certains de ses chronos tiennent toujours.
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