L'Iseran est le col routier le plus haut d'Europe, et je ne l'avais jusqu'à présent gravi qu'une seule fois, en 2007, à l'occasion d'une balade qui est restée gravée dans mon esprit, car l'assaut d'un tel géant alpin ne s'oublie pas. Et aussi parce que cet assaut m'avait contraint à puiser des ressources inespérées au plus profond de moi-même.
En ce dimanche 8 juillet, c'est à l'initiative de Baptiste que nous nous retrouvons à Lanslebourg, en Haute-Maurienne, pour effectuer le même parcours qu'il y a cinq ans. Nous sommes trois puisque Franco est également de la partie. Baptiste vient pour accrocher deux nouveaux 2000 à son palmarès de chasseur de cols, Franco poursuit ses balades riches en dénivelé, et moi je viens prendre ma revanche sur l'Iseran. Et surtout, tous les trois sommes là pour passer un moment convivial et sportif dans des paysages somptueux.
Pourtant, la journée commence par de la pluie. Elle était annoncée et devait cesser en début de matinée, mais l'essentiel du trajet en voiture depuis Grenoble s'effectue sous la pluie et cela m'inquiète un peu. Mais, dès l'arrivée de Baptiste à Lanslebourg, le premier rayon de soleil apparaît et plus aucune goutte d'eau ne tombera du ciel de tout le restant de la journée !
Le premier col du jour est le Mont-Cenis, 2081 mètres d'altitude, en aller-retour depuis Lanslebourg. Il nécessite une petite heure de montée et constitue un bon échauffement, sur des routes encore mouillées et dans une atmosphère fraîche. Nous croisons plusieurs cyclistes italiens. Cette semaine, j'avais dans un premier temps imaginé gravir le Mont-Cenis dans les deux sens à l'occasion d'un aller-retour jusqu'à Suse. Le versant italien est en effet superbe. Finalement, je n'ai pas eu le courage de me lever suffisamment tôt, de plus je souhaitais garder suffisamment de forces pour l'Iseran pour ne pas reproduire la montée de 2007. Finalement, le col est atteint en à peine 56 minutes, en discutant tout le long avec Baptiste puis avec Franco, contre 59 minutes en 2007.
La descente est humide, mais je n'ai pas le temps d'avoir froid car nous retournons rapidement à notre point de départ, où les routes sont maintenant presque sèches. Ici commence la partie la plus intéressante de la journée.
L'ascension de l'Iseran depuis Lanslebourg, c'est d'abord une longue phase d'approche jusqu'à Bonneval-sur-Arc, où la route s'élèvera alors nettement, en lacets, comme tout col de montagne qui se respecte. Car nous remontons la rivière Arc, qui prend sa source un peu plus loin à la frontière italienne, pour se jeter dans l'Isère à l'autre bout de la vallée de la Maurienne, à Aiton.
Cette phase d'approche consiste à gravir le court mais sérieux col de la Madeleine, puis à franchir une toute petite bosse à Bessans, avant d'affronter une dizaine de kilomètres en léger faux-plat montant.
Nous faisons le yoyo avec une petite équipe de trois cyclistes habillés en blanc. Eux nous doublent dans la Madeleine, puis nous les rattrapons dans les kilomètres qui précèdent Bonneval. Notre allure est modérée. En fait, tout comme les hommes en blanc, nous en profitons pour papoter, avant que les effets conjugués de la pente et de l'altitude ne nous coupent la parole.
L'ascension du col de la Madeleine:
Au bout: Bonneval-sur-Arc, un virage à gauche et le début des kilomètres difficiles.
L'heure de vérité arrive à Bonneval-sur-Arc. Nous laissons filer nos hommes en blanc pour nous alourdir d'un kilo d'eau supplémentaire. Il est même question de monter jusqu'au col avec un poulet rôti dans le sac, mais finalement nous y renonçons (à regret). A noter qu'à ce stade, je n'ai bu qu'un seul bidon en 2h30 de vélo: ce n'est pas très raisonnable.
La route du col est réservée aux vélos ce jour, entre 8h30 et 14h30. A partir de l'épingle à gauche de Bonneval, nous évoluons donc sur une route vierge de tout véhicule polluant et encombrant.
J'aborde la montée avec méfiance, mais prêt à conserver un bon rythme jusqu'au sommet si la forme le permet. Finalement, je réussirai à suivre le rythme régulier et soutenu (pour moi !) de Franco jusqu'au sommet.
Nous nous faisons rapidement dépasser par deux cyclistes. Puis, Baptiste se laisse décrocher pour monter à son aise. Les efforts payent, et petit à petit nous remontons quelques cyclistes, mais moins que ce que j'imaginais pour une journée réservée aux vélos. Nous dépassons les 2000 mètres d'altitudes sans que les effets de l'altitude ne se fassent trop sentir. Certes, je respire encore plus fort que d'habitude. Nous rattrapons l'un des cyclistes qui nous avait doublés en début de montée, puis l'un des hommes en blanc non loin du col. A 200 mètres du sommet, constatant qu'il me reste encore quelques forces, j'accélère, mais l'homme en blanc est joueur et me dépose aisément.
Dès le début, la route s'élève rapidement...
... nous sommes encore trois...
... puis deux, les paysages sont grandioses:
Voilà qui est fait. Tout simplement. Ce col, ce n'était pas la peine de s'en faire toute une montagne ! A la différence de 2007, j'ai encore tous mes esprits au sommet. La montée depuis Bonneval nous aura pris 1h12, contre 1h37 pour moi en 2007. Mais ces deux montées sont définitivement incomparables. Même cycliste, même vélo, mais ça s'arrête là: pas le même entraînement, pas la même saison, et surtout 5 années d'expérience supplémentaires. Et ça change tout.
Baptiste arrive au sommet quelques minutes après nous. Lui aussi aura fait une super montée. Certes, aucun de nous trois ne dira que ça a été facile, d'ailleurs nous renonçons d'un commun accord à redescendre à Val-d'Isère comme c'était initialement prévu.
Le ravitaillement est offert au sommet. Nous en profitons pour nous alimenter avant la descente. Tantôt le soleil est masqué et il fait un peu froid, tantôt ses rayons nous brûlent les parties de peau non protégées. Il y a du monde, mais finalement pas tant que ce que j'imaginais.
Nous faisons la connaissance avec la femme de Cisou, dont je savais qu'ils étaient tous les deux dans les parages aujourd'hui, et le trike électrique de madame, on ne peut pas le rater ! Quelques instants plus tard arrive Cisou en personne, en vélo couché.
La descente est prudente car la qualité du bitume n'est pas parfaite. Nous en profitons pour prendre quelques photos.
Après Bonneval, nous aurions dû nous arrêter pour enlever les manches, mais je m'entête à prendre des relais au-dessus de mes capacités, et fatalement les courtes pentes du col de la Madeleine, conjuguées à la chaleur et l'absence de respiration dans mon coupe-vent, me font décrocher. J'arriverai au parking de Lanslebourg avec une trentaine de secondes de retard sur mes deux coéquipiers.
Franco propose de poursuivre la balade en faisant une deuxième ascension du Mont-Cenis, mais à ce stade, je renonce à faire une deuxième fois ce col, compte tenu de la chaleur et mon état de légère déshydratation. En lieu et place du Mont-Cenis, nous prenons un rafraichissement en terrasse avant de nous séparer. Une bonne récompense après 4h30 d'efforts sur le vélo.
Au bilan de cette journée, je retiens d'abord la bonne humeur de mes compagnons de route, les paysages extraordinaires et la météo idéale.
Je n'ai rien à redire sur ma performance physique du jour, même si je finis un peu déshydraté, et que je n'aurais pas pu rouler deux heures de plus aujourd'hui, en tout cas pas au même rythme.
J'ai un peu de mal à gérer des objectifs très différents, à savoir à la fois des grimpées et des longues distances. L'entraînement pour les longues distances augmente mon endurance et diminue ma puissance. Au contraire, les efforts courts et intenses me permettent de progresser en puissance, mais ce sont autant de kilomètres qui ne me font pas progresser en endurance. Je ne vais pas pour autant remettre en cause ma préparation, étant donné que tous mes objectifs 2012 de longue distance se sont terminés en bonne condition physique (BRM 200, 300, 400, 300 montagneux, 4 Chamrousse), la plupart de ces challenges étant de plus inédits pour moi. Reste à voir ce que je vaux en 2012 sur une sortie de type BRA. Réponse ici-même dans quelques jours.
A lire aussi: l'excellent reportage de Baptiste !
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