Il y a des jours comme celui-ci, où en me levant je ne sais pas si je vais sortir le vélo, ni où je vais rouler ni pour combien de temps, et où je rentre finalement avec 188 km et plus de 5000 mètres de dénivelé positif.
Ces jours ne sont pas légion et il faut savoir en profiter intensément.
Depuis le BRM 300 de Grenoble, il y a quatre semaines, j'ai sorti le vélo cinq fois, et la durée totale de ces cinq exercices n'excède pas la durée du seul BRM 300. Autant dire que j'ai peu roulé, et sur de courtes distances. La sortie de dimanche dernier résume bien cet hiver qui n'en finit pas: parti à 5 heures du matin, j'étais motivé pour rouler la journée entière. J'étais finalement rentré à 8 heures, transi de froid, trempé par les nuages accrochés aux reliefs, démotivé par la grisaille qui n'a finalement pas quitté les montagnes de la journée...
Ce samedi est annoncé printanier. Mais surtout, j'ai une idée fixe: Pascal Bride, spécialiste de l'ultra-distance, vient s'entraîner pour le prochain tour de Slovénie, 1200 km et 18000 mètres de dénivelé positif non stop. Ce week-end, il a choisi le Dauphiné Gratiné, une super randonnée de 600 km et 14000 mètres de dénivelé pour parfaire sa préparation. Parti vers 20h hier soir, il doit passer en fin de nuit sur les routes du Balcon de Belledonne que je connais bien. Ce sera l'occasion de faire sa connaissance.
La météo est incertaine pour la nuit. Je ne sais pas à quelle heure Pascal est parti exactement, et à quelle vitesse il progressera en Chartreuse. Je mets le réveil à 3h, mais à 2h j'ouvre les yeux et décide de m'enquérir de ses nouvelles et de celles de la météo. S'il pleut, je retourne me coucher. Je constate qu'il n'a pas plu ces deux dernières heures sur Belledonne, par contre les températures sont déjà négatives à Chamrousse... Pas de nouvelles de Pascal; cela signifie qu'il est sur la route.
Le plan est donc le suivant: je vais rejoindre son parcours au niveau du Pinet d'Uriage puis aller à sa rencontre. On fera un bout de route ensemble puis je le laisserai aux Seiglières, sur la route de Chamrousse. Pas question pour moi de m'aventurer plus haut par ces températures.
J'enfourche le vélo vers 3h15, et à 4h10 je suis au Pinet d'Uriage. J'estime qu'il passera ici au plus tôt à 4h30, au plus tard à 5h30 voire 6h. Je fais une première pause pour ravitailler.
Je poursuis ma route: Pont-Rajat, les Roussets, scrutant au loin l'éventuelle présence de phares. Rien: pas de voiture, pas de vélo non plus. Après les Roussets, plus j'avance et plus je me pose des questions. Quand, vers 5h30, je me signale au pied du col des Mouilles sur les réseaux sociaux, je sais qu'il me reste très peu de chances de rencontrer Pascal.
Les températures sont proches de 0 degré. Au niveau des sensations de froid j'ai déjà connu pire, et puis la montée du col des Mouilles est là pour me réchauffer pendant une vingtaine de minutes. Les routes sont mouillées mais je ne vois pas de verglas. Le jour point à l'horizon.
Après les bosses de Prabert puis du col des Ayes, je décide de redescendre immédiatement dans la vallée à Tencin, suivant ainsi exactement le parcours du Dauphiné Gratiné à l'envers. Je traverse la vallée pour me retrouver à la Terrasse. Il est 7h, il fait jour et je sais que j'ai loupé Pascal. J'en déduis alors qu'il est passé au Pinet avant 4h10, bien en avance sur ses prévisions...
A l'occasion d'une courte pause pour manger, je constate que mon vélo s'est lui aussi bien ravitaillé toute la nuit. Lui, son truc, c'est les vers de terre... Mais aujourd'hui, je ne vais pas salir le vélo pour rien. J'attaque la montée du col de Marcieu par Saint-Bernard-du-Touvet.
Je suis descendu plusieurs fois par ici, mais jamais monté. Eh bien c'est du costaud, avec notamment 7 kilomètres à 9% de moyenne jusqu'à St-Bernard. Le soleil apparaît sur les sommets de la Chartreuse mais, alors que la nuit était étoilée, le ciel est maintenant bien couvert.
Les derniers kilomètres du col de Marcieu paraîtraient presque plats, comparés à ce que je viens de grimper.
La descente est prudente, humide et je prends certains virages trop large... Je ne connais pas cette descente, et il me faut un certain pour me réhabituer au Scott, dont c'est seulement la troisième sortie cette année.
A la jonction avec la route qui monte de la Flachère à Saint-Marie-du-Mont, il me reste quelques kilomètres de montée, assez difficiles mais quand on monte de ce côté depuis la vallée, c'est avant que se situent les plus forts pourcentages. Une portion que je n'ai plus faite depuis plusieurs années.
Après Saint-Marie-du-Mont, je rentre dans le brouillard, dense par endroits. Premier remplissage des bidons Place de l'Apéro à Saint-Georges (image d'archive: septembre 2012).
La descente me mène, vers 500 mètres d'altitude, à la route du col du Granier par Chapareillan.
Au croisement, nouveau ravitaillement, et j'en profite pour prendre des nouvelles de Pascal par le biais des réseaux sociaux. Grande surprise: à 8h30 il était encore dans la descente de Chamrousse. A l'heure où j'écris ces lignes, je n'ai toujours pas compris comment on a pu se louper. Peut-être a-t-il fait un léger détour après s'être trompé à une intersection ? Mais surtout, il a eu des conditions météo exécrables pendant la nuit, de la neige, de la grêle, de la pluie, et il a chuté dans la descente du col de Marcieu... Puis il a dû effectuer des passages à pied à Chamrousse à cause du verglas, comme c'était prévisible. La portion qui relie Chamrousse 1650 à Chamrousse 1750 est fréquemment verglacée. Il m'est arrivée d'avoir 10 degrés au compteur à Chamrousse 1750, de basculer dans la descente et d'y trouver: une voiture à l'envers sur le bord de la route, un motard à terre, un autre motard qui finissait la montée à pied... Je penserai souvent à Pascal tout au long de ma balade.
Le col du Granier par ce versant, c'est du lourd. Je l'ai gravi pour la première fois en septembre dernier avec l'ami Jérôme, amateur de cols difficiles. Je passe pour la première fois le pignon de 28 dents, mais malgré ça je sens que cette montée laissera des traces. Dans la montée, je dépasse tout de même les 3000 mètres de dénivelé positif depuis ce matin.
Dans les derniers kilomètres du col, je réfléchis à la suite car il me faudra prendre une décision. Soit je termine par la classique trilogie de la Chartreuse (Granier, Cucheron, Porte), soit je rallonge, en tournant à droite à Entremont-le-Vieux, par les cols de la Cluse et celui des Egaux. Finalement, ce sera à droite. Je vise maintenant les 5000 mètres de dénivelé dans la journée, ce qui était impensable ce matin en partant. Mon départ matinal devrait me permettre de terminer ce périple assez tôt, entre 15h et 16h.
Depuis la Terrasse, toutes les routes sont nouvelles pour moi... dans ce sens uniquement !
Le col de la Cluse est un gros morceau. Pour la première fois de la journée, j'utilise le pignon de 28 dents sur des passages à 7%, mais je ne m'inquiète pas. Les passages en danseuse se font plus courts, les relances moins efficaces. Je suis maintenant en mode longue randonnée. Le soleil a fait définitivement son apparition.
Après la descente sur Corbel, la remontée du col des Egaux est une formalité. Je prends mon temps pour ravitailler au col, et pour quitter les gants longs, bien qu'il ne fasse pas encore bien chaud.
Au col de Couz, je file jusqu'à Saint-Laurent-du-Pont par une route trop plate et trop circulante à mon goût. A Saint-Laurent-du-Pont je remonte les gorges du Guiers Mort jusqu'à la Diat, au pied de Saint-Pierre-de-Chartreuse. Je m'attendais à 10 kilomètres à 2 ou 3% de moyenne, mais j'avais mal apprécié l'altitude de la Diat, et finalement la remontée des gorges se fera plutôt à 6-7% de moyenne avec des passages à 10% !
A la Diat, je décide de faire un aller-retour au col du Cucheron, 350 mètres de dénivelé plus haut. Ceci me permettra de franchir la barre des 5000 mètres de dénivelé dans la journée. Pascal a fait le même aller-retour cette nuit, car les gorges du Guiers Vif sont fermées jusqu'au 12 juillet.
La fin de la balade se jouera essentiellement dans la tête. Dans la montée du Cucheron, je surveille une éventuelle fringale qui ne viendra pas. En effet, j'étais un peu fatigué à Saint-Laurent-du-Pont, lassé par une portion trop roulante, et par l'arrivée d'une chaleur toute relative.
Au Cucheron, tout va bien, dernier ravitaillement du jour. Je n'avais plus gazouillé depuis 9h ce matin mais c'est peine perdue. C'est la deuxième fois que je me fais avoir au col du Cucheron. Après vérification, le réseau SFR ne couvre effectivement pas le col, ni Saint-Pierre-d'Entremont, ni Entremont-le-Vieux, et il faut aller jusqu'au col du Granier pour retrouver une couverture GSM ! Un comble à l'heure où l'on essaye de nous vendre de la 4G.
Il me reste les 500 mètres de dénivelé du col de Porte à gravir. Je ne roule plus très vite, mais je n'essaye pas de lutter contre cet état de fatigue. Je suis surtout pressé de rentrer, et de rentrer frais. L'approche du sommet se déroule à l'ombre de la forêt et il y fait froid entre deux murs de neige. Un cycliste au pédalage saccadé (séquelles d'un accident passé ?) me dépasse, je n'essaye pas de le suivre. Le col arrive un peu plus vite que prévu, à 1326 mètres (1328 indiqué par le panneau), alors que dans mon esprit il était 30 mètres plus haut.
La descente directe sur l'agglomération grenobloise s'effectue sans encombre. C'est l'occasion pour moi de peaufiner le pilotage du Scott.
Je suis de retour précisément 12 heures après mon départ. Je rentre bredouille de ne pas avoir rencontré Pascal, mais heureux de cette longue et magnifique balade. Je n'ai pas de fatigue musculaire particulière, juste une fatigue globale liée à ma courte nuit et à l'accumulation de la fatigue de la semaine. Il était inespéré de rouler aussi longtemps aujourd'hui. A peu de choses près, cette balade équivaut à mes quatre Chamrousse de mai 2012, et au super BRA de juillet. Une prouesse à mes yeux, car nous sommes en avril et j'ai peu roulé depuis un mois. Signalons tout de même que ces deux sorties avaient été effectuées avec un vélo plus lourd de 3 kilos.
Comme je me suis fait la remarque aujourd'hui en pédalant, j'arrive maintenant à sortir du chapeau de très longues sorties à la journée, sans préparation spécifique et avec un délai de récupération très court. Et surtout, je suis actuellement rassasié avec de telles balades. Il y aura, entre autres, un BRM 300 montagneux en juin, puis le BRA en juillet pour me combler.
En comparaison, le BRM 400 de l'an dernier m'avait coûté une semaine de récupération totale (fatigue, retard de sommeil), avec un impact sur mon efficacité au quotidien, sur mon humeur, pendant cette semaine. Peut-être vaut-il mieux, dans l'immédiat, que je me tienne à des sorties à la journée, que je peux reproduire tous les deux ou trois jours sans effet négatif.
Voici pour finir la courbe de dénivelé de ma balade du jour: Balcon de Belledonne, retour dans la vallée, puis les sommets successifs correspondent au col de Marcieu, Sainte-Marie-du-Mont, descente à 500 m puis cols du Granier, de la Cluse, des Egaux, descente à Saint-Laurent-du-Pont puis cols du Cucheron et de Porte.
Je remettrai le couvert dans les prochains jours !
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