Depuis le BRM 400 du mois dernier, j'ai quelques difficultés à me motiver pour des sorties longues (de 9 à 10 heures de selle minimum). Mais c'est aussi un choix: cette année je souhaite faire davantage de sorties plus courtes et plus intenses en terme d'efforts, ce qui laisse moins de temps et de forces pour des sorties à la journée.
Cependant, dans l'optique du BRM 300 de montagne (15 juin) et du BRA (21 juillet), je ne dois pas oublier la saveur (et les difficultés) des longues randonnées avec beaucoup de dénivelé. Le 20 mai dernier, j'ai enchaîné trois montées de Chamrousse dont la deuxième depuis Séchilienne via le Luitel. Après les quatre ascensions consécutives de l'an dernier, cette année il me faudrait en faire cinq... autant dire qu'à ce rythme, il va être difficile de battre mon record tous les ans. Le 20 mai, je pense que je n'aurais pas pu en faire cinq. Avec quelques soucis de dos (rentrés dans l'ordre depuis), et en sachant que je travaillais le lendemain, il n'était de toute façon pas très raisonnable de continuer.
Quelques jours plus tard, Brigitte me contacte pour une sortie ultra matinale. Je pense alors tout de suite à son challenge de mai 2012, où je l'avais accompagnée sur deux de ses quatre ascensions. Et si c'était là l'occasion de me motiver pour un très gros dénivelé ?
Une semaine à l'avance, je préviens Brigitte et échafaude un plan pour cinq montées successives. J'estime alors le dénivelé entre 5500 et 6000 mètres, et table sur une moyenne de 2h30 par rotation (une montée plus une descente) pour les quatre premières, 3h pour la dernière.
La date approche et je sens la motivation arriver. Pas au point de me mettre mal juste pour battre un record, mais suffisamment pour me concentrer sur l'objectif de cinq montées, et même penser à une éventuelle sixième montée.
La motivation est aussi celle de remonter sur le Scott, qui n'a plus roulé depuis un mois. Lui, c'est la montagne qu'il préfère, et c'est d'ailleurs pour cela que son maître l'a choisi: depuis début 2013, quand il sort c'est en moyenne pour rouler 6h40 et gravir 3300 mètres de dénivelé.
Aujourd'hui, le Scott est, à peu de choses près, dans sa configuration du 15 juin et du 21 juillet prochain. J'ai choisi d'alléger au maximum le matériel. La voiture étant stationnée en bas, un pneu de rechange et les outils sophistiqués (dérive-chaîne...) restent à l'intérieur. Je me contente de deux chambres à air, une pompe, un mini-outil, et l'éclairage à l'avant (indispensable pour le départ matinal et le tunnel des Ecouges) mais pas à l'arrière (seulement une demi-heure de nuit dans la première montée déserte). Et puis de bonnes réserves de nourriture.
A 4h55, je m'élance de Cognin-les-Gorges, où j'ai garé la voiture après un lever vers 3h.
Cognin-les-Gorges - Malleval - Col du Mont Noir: et de UN !
Avant de conter et de compter mes ascensions, il convient de décrire brièvement le col du Mont Noir. Géographiquement, il se trouve au cœur de la forêt des Coulmes, dans le Nord-Ouest du Vercors. Il culmine à 1421 mètres d'altitude. J'ai eu connaissance de son existence en 2011, et l'ai gravi pour la première fois peu de temps après, à l'occasion d'une sortie qui était, et qui reste, une référence dans ma pratique actuelle du vélo. Depuis, je n'y suis pas si souvent retourné, la raison principale étant son éloignement par rapport à mon domicile: je dispose, plus près de chez moi, de bien d'autres montagnes pour accumuler du dénivelé. D'ailleurs, plusieurs des routes empruntées aujourd'hui seront inédites pour moi.
La première montée débute dans le noir, ou presque car en l'absence de lune on devine quand même le jour qui va se lever. Ma petite frontale suffirait, mais pour ne pas me faire surprendre par de petites pierres sur la route, je me sers régulièrement de mon éclairage principal.
Les gorges du Nan sont toujours aussi impressionnantes. Puis la route s'élève en lacets en direction de Malleval. Puis arrive le Pas de Pré Coquet, le carrefour de la Patente, celui de la Patte d'Oie, et enfin le col. Cette montée s'est passée très vite. En fait, je ne suis pas encore très réveillé. Une bonne partie de la montée a été effectuée avec 30 dents à l'avant et 28 à l'arrière: bien mouliner pour soulager mon dos dès le départ. Au sommet, à ma plus grande satisfaction je n'ai aucune douleur au dos, contrairement à mes trois Chamrousse où j'avais souffert dès la première montée.
A l'approche du Pas du Pré Coquet, vue sur Malleval et les gorges du Nan:
Le Pas du Pré Coquet:
6h30. Je mange, le soleil se lève, premier passage au col:
1h30 d'ascension: exactement ce que j'imaginais. 5 minutes de pause, je signale ma position à Brigitte et attaque la descente. Il fait 7 degrés, mais surtout il y a un peu d'humidité (la forêt !). Ce n'est pas très confortable avec ma tenue ultra légère (sans manches), mais j'ai connu bien pire.
Brigitte est partie de Pont-en-Royans, d'où débutera ma deuxième montée, et la quatrième aussi d'ailleurs. On se croise vers le bas de la descente, elle me suggère de terminer ma descente et je la rattraperai dans la montée.
Pont-en-Royans - Fontaine de Pétouze - Col du Mont Noir: et de DEUX !
Plus exactement, je fais demi-tour au niveau de la route des gorges de la Bourne, à 230 mètres d'altitude. Une photo et c'est reparti. Il est 7h07, ce qui fait 2h12 pour la première rotation: il est normal que je gagne du temps sur les premières montées, par rapport à la moyenne de 2h30 prévue.
Voici le point de départ de ma deuxième ascension:
Brigitte ayant 10 bonnes minutes d'avance sur moi, je n'essaye pas de la rattraper le plus vite possible. Je reste pour l'instant dans ma bulle, sur le même rythme que pour ma première montée, alternant les passages en danseuse, assis, prenant des photos. Au-dessus du col de Toutes Aures (voir le deuxième article du blog), je découvre une nouvelle route, et c'est splendide.
Brigitte m'attend juste après le passage à flanc de falaise, avec son Time rouge tout brillant. A deux, le temps va passer beaucoup plus vite. Tellement vite que je me crois encore sur la route de Presles alors que nous avons bifurqué à droite en direction de la fontaine de Pétouze. N'y étant jamais passé, j'avais oublié (j'ignorais ?) l'existence de cette route entre le Sud de Presles et la fontaine de Pétouze. Tout seul, je pense que j'aurais traversé Presles comme lors de la descente, mais c'est plus agréable d'emprunter la route forestière.
Faute de réussir une photo de notre duo, voici une photo de Brigitte tout sourire (pléonasme !):
Le col est atteint, aisément dois-je l'admettre, à 8h55, soit exactement 2h30 après le premier. Le dos ne me fait toujours pas mal, ce qui annonce une belle et longue journée.
Et de deux ! Merci Brigitte pour la photo:
Nous descendons prudemment par le Faz, et au niveau du croisement avec la route du col de la Croix Bernard, Brigitte bifurque: on se reverra un peu plus tard. Je lui indique que je pense être en bas à 9h30 et au col à 11h.
D1532 - Saint-Pierre-de-Chérennes - Le Faz - Col du Mont Noir: et de TROIS !
Pointage à l'intersection avec la D1532:
J'atteins effectivement le croisement avec la D1532 à 9h30. Demi-tour. Dès le début de la montée, je calcule que le sommet sera atteint après 11h. De plus, j'ai prévu de manger au col. Je m'empresse d'envoyer un message à Brigitte, lui indiquant que ce sera plutôt 11h15. Ce n'est que la troisième montée, et je ne veux pas appuyer trop fort sur les pédales même si le vélo ne demande qu'à s'envoler: je paierais ces efforts par la suite.
Le soleil est déjà assez haut dans le ciel. Je vais me réchauffer assez vite et je dois gérer cette transition. Je ne me pose pas de question. Je suis de nouveau dans ma bulle. La montée jusqu'au Faz me paraît plus facile que ce que je constate après coup sur le profil altimétrique. Oui, il y a eu des passages en danseuse, et quelques épingles relevées, mais je ne me souviens pas d'un kilomètre entier à plus de 10%.
Après le Faz, je passe trop de temps à regarder l'heure, l'altitude, la température, encore l'heure, l'altitude, etc. Je trouve le temps long. Si je commence à cogiter dès la troisième ascension, je n'irai pas bien plus loin. En fait, je crois que j'ai déjà la tête dans la quatrième, dont je me fais une montagne, parce qu'il faut bien qu'il y ait un palier quelque part, parce qu'il faut souffrir dans la quatrième pour cueillir ensuite la cinquième, parce qu'il va faire chaud et que je serai en pleine digestion...
Le sommet est finalement atteint avant 11h10, mais le temps d'avaler mon sandwich il est presque 11h30, soit 2h35 après mon précédent passage: compte tenu du la pause déjeuner, le timing est parfait.
Je redescends exactement par la même route que pour ma deuxième descente de ce matin, là où j'ai croisé Brigitte. Je suis en bas à 12h07: 2h35 pour cette troisième rotation.
Pont-en-Royans - La Balme de Rencurel - Col de Romeyère - Col du Mont Noir: et de QUATRE !
Brigitte m'a annoncé une remontée des gorges de la Bourne facile avec vent dans le dos. En effet, au début ça roule bien. Je me mets en position de recherche de vitesse pour la seule fois de la journée, entre 25 et 30 km/h sur une portion presque plate.
Brigitte s'est arrêtée à Choranche pour manger, de nouveaux encouragements en je m'engouffre dans les gorges de la Bourne.
La suite de cette quatrième montée est plus facile que je ne l'avais imaginée pendant la troisième. Quelques cumulus me facilitent la tâche. Surtout, la faible pente me permet de trouver un rythme idéal pour digérer tranquillement mon repas de midi. Petit moment d'autosatisfaction: je me dis que j'ai vraiment bien fait de caser cette montée, la moins pentue, en quatrième position, juste après le repas. Le moral remonte en flèche.
Vert-jaune-bleu:
Le magnifique village de Rencurel:
Les paysages sont très verts, je me régale. Mon compteur affiche 36 degrés à un instant, au soleil, mais Rencurel et sa fontaine sont atteints rapidement. Peu après, la température chute à 20 degrés. La route est mouillée. Le col de Romeyère aura presque été une formalité.
Les 350 derniers mètres de dénivelé qui me séparent alors du col du Mont Noir sont là pour me rappeler ce qu'est une vraie montée. Qu'est-ce que ces cinq kilomètres sont longs ! Je ne hausse pas mon rythme: le résultat est une vitesse de 8 km/h par endroits...
Là, ça grimpe de nouveau et ça ne fait pas semblant:
Avec moi, on ne peut pas avoir une photo à la fois sans grimace et où l'on distingue le nom du col sur le panneau...
Au sommet, il ne fait aucun doute que je vais tenter une cinquième montée. J'ai déjà la tête dedans. 10 minutes de pause et j'entame la descente. Il est 14h20, soit 2h50 après mon précédent passage.
Saint-Gervais - Col de Romeyère - Col du Mont Noir: et de CINQ !
La fontaine de Saint-Gervais m'est précieuse: sans elle, pas de cinquième. 28 degrés à l'ombre: ça va être sport. Je m'élance peu avant 15h.
Cette montée offre de nombreux passage à l'ombre des arbres. Là aussi, je me dis que j'ai bien joué en la mettant en cinquième position. Pour autant, il commence à faire vraiment chaud. Et dans ces conditions, je deviens une larve. Je suis lent, mais je sais que rien ne m'empêchera d'atteindre le sommet. Chaque coup de pédale me rapproche de mon objectif. Les jambes répondent bien, le dos ne se plaint même pas dans les passages à 10%. Le moral est bon, même si je n'arrive pas trop à me détacher de tout ça, ni à détacher les yeux du compteur: autant de forces mentales qui me manqueront pour une éventuelle sixième montée.
Fait chaud !
La fraîcheur, la vraie, enfin !
L'approche du tunnel des Ecouges marque les passages les plus pentus: le compteur indique parfois moins de 7 km/h. La véritable fraîcheur arrive dans le tunnel, mais ça grimpe fort ! Le tunnel est étroit. Un véhicule arrivant en face s'arrête pour me croiser, me voyant slalomer à cause de la pente et des pierres sur le côté.
Encore un kilomètre difficile, puis une portion plus roulante, puis le col de Romeyère, puis les fameux 350 mètres de dénivelé déjà empruntés tout à l'heure.
A la sortie du tunnel, j'entends un premier coup de tonnerre du côté d'Autrans. Puis un deuxième. Je prends quelques gouttes de pluie. La vue sur Rencurel est troublée par l'humidité. Je localise un autre coup de tonnerre un peu plus au Sud que le Mont Noir, donc de mon côté cette fois-ci: je ne réussirai peut-être pas à y échapper. En effet, le col est à peine atteint que cette fois-ci, il pleut pour de bon.
Cette cinquième montée aura été effectuée d'une seule traite, sans jamais mettre pied à terre, en... 1h55. Il est 16h55, soit 2h35 après mon précédent passage. Je m'élance dans la descente sans avoir trop le temps de savourer ma réussite. Je ne pense qu'à une seule chose: fuir cette pluie et retrouver la voiture à Cognin.
Cinq Mont Noir en 12h35
Il est exactement 17h30 lorsque je retrouve la voiture. La pluie, elle, m'a quitté peu après Malleval, mais a laissé sur son passage des routes très sales. Le rythme de 2h30 par rotation a été tenu. Côté chiffres, cela donne 185 km et 5830 mètres de dénivelé en 11h31 de selle (16 km/h) plus 1h04 de pause. Tout compris, cela fait environ 460 mètres de dénivelé positif par heure.
J'ai pensé toute la journée à Olivier, qui avait réalisé 5 Mont Noir et un peu plus il y a deux ans, à un rythme une fois et demi plus rapide que le mien ! Cela relativise ma performance du jour.
La courbe de dénivelé, 70 mètres plus bas que la réalité car je n'avais pas réglé le compteur à Cognin:
Mon état physique après cette sortie est bon. Les jambes étaient certes un peu en coton au sommet, ce qui est normal après 2 heures de montée sans interruption, et ce qui était déjà un peu le cas après la quatrième montée. Si j'avais voulu enchaîner une sixième montée, il aurait fallu que je prenne du temps pour m'alimenter correctement. Mais je n'ai pas ressenti de fringale sur le chemin du retour en voiture. La récupération sera excellente dès le lendemain.
C'est là mon deuxième plus gros dénivelé en une sortie. Ce challenge est du même niveau que quatre Chamrousse. Le dénivelé est légèrement supérieur, mais les montées de Chamrousse sont longues et globalement plus difficiles.
Finalement, ce ne sont que 11h30 de vélo... à comparer aux 19 heures de selle de mon BRM 400 d'il y a un mois, et à la quinzaine d'heures qu'il me faudra pour boucler le BRM 300 de montagne samedi prochain.
Cette sortie fut un excellent entraînement pour les échéances futures. Après ces dernières semaines, il fallait que je me réconcilie avec mon dos, parfois douloureux lors de longues sorties, et avec ma motivation pour les longues distances. Ces deux objectifs sont largement atteints. Mais je reviendrai ici, un jour, pour refaire cinq montées... suivies d'une sixième.
Je n'ai pas croisé beaucoup de cyclistes aujourd'hui, et pourtant le col du Mont Noir mérite d'être visité: à part Brigitte, j'ai croisé un vélo au-dessus du Faz à la mi-journée, puis une cycliste lors de ma troisième descente, puis une poignée de cyclistes dans le secteur des Ecouges pendant ma quatrième descente.
Merci à Brigitte de m'avoir accompagné et encouragé sur ce parcours. Et aussi de m'avoir motivé pour relever le défi. Car finalement, pour ce genre de défi, l'essentiel se passe dans la tête et non dans les jambes.
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